GEL ET DÉGÂTS DE GEL SUR VIGNE

Comme la grêle et les autres risques climatiques, le gel est un phénomène aléatoire. Cependant, les méthodes de lutte ne manquent pas.

Quand la vigne peut-elle être atteinte par les gélées ?

  • en automne : les gelées précoces, avant la chute des feuilles, sont préjudiciables surtout sur les jeunes vignes dont le cycle végétatif est souvent plus long. Les organes herbacés sont atteints en général lorsque la température s’abaisse en dessous de -2,5°C
  • en hiver : quand la température est inférieure à -15°C, les bourgeons, les bras et la souche peuvent être touchés. Ces gelées peuvent aller jusqu’à provoquer la mort de la souche
  • au printemps : les dégâts provoqués par ces gelées sont plus fréquents mais moins graves pour la pérennité des souches. La vigne est sensible dès l’apparition des jeunes feuilles qui sont riches en eau. En situation de forte humidité, les jeunes pousses peuvent geler à partir de -2 à -3°C alors qu’en situation plus sèche (hygrométrie <60%), elles peuvent résister à -4 voire -5°C. Ces gelées n’entraînent jamais la mort de la vigne même si elles peuvent détruire la récolte. Elles prennent la forme de gelées blanches (refroidissement des organes végétaux et du sol par rayonnement) ou de gelées noires (arrivée de masses d’air froid et sec à une température en général de -7 à -9°C, associée à du vent)

Quelles sont les méthodes indirectes de protection contre le gel ?

Les méthodes indirectes que l’on applique bien avant le danger de gel, parfois dès la plantation, sont vraisemblablement les plus économiques et les plus efficaces. Ces mesures concernent notamment:

  • Le choix de la parcelle. Il faut éviter d’installer la vigne dans des zones gélives en évitant particulièrement les creux de terrain ou les fonds de vallon dans lesquels l’air froid s’amasse et stagne. La présence de haies d’arbres compacts ou de bandes boisées, en s’opposant à l’écoulement de l’air froid, peuvent augmenter le risque de gel. Choisir une parcelle bien draînée ou réaliser les travaux de drainage
  • Les pratiques culturales et agronomiques. Sur les parcelles à risque de gelées d’automne ou d’hiver, privilégier des cépages à aoûtement précoce et assurer une protection phytosanitaire efficace du feuillage, gage d’une bonne mise en réserve. Pour les gelées printanières, implanter des cépages à débourrement tardif et élever la hauteur des souches. Tailler tardivement afin de retarder la date de débourrement. Réaliser une tonte avant le débourrement sur les parcelles en-herbées
  • La souscription d’une assurance récolte, incluant le gel et la grêle. Le coût élevé de la cotisation constitue néanmoins un frein important au développement de ce type d’assurance.

Quelles sont les méthodes directes de protection contre le gel ?

La protection directe ou active est celle que l’on déploie juste avant et pendant la période de gel, quand un avis de gel a été diffusé. Il est recommandé, dans les vignobles à risque, de souscrire un abonnement aux prévisions météorologiques de Météo France. Les méthodes directes de protection contre le gel sont :

  • le buttage ou chaussage des vignes : utilisé pour lutter contre les gelées hivernales, consiste à recouvrir de terre les ceps de vigne. Cette pratique est notamment largement utilisée dans les vignobles canadiens (Ontario, Québec), ainsi qu’en Europe centrale, en Chine, …
  • les bougies et chaufferettes : elles permettent de réchauffer l’air avec une certaine efficacité jusqu’à -4 à -5°C, et de limiter la perte de chaleur du sol par rayonnement (formation de fumée). Les bougies de parrafine et les chaufferettes au fioul sont polluantes et nécessitent de la main d’oeuvre pour la mise en place et l’allumage. Elles sont à réserver uniquement aux petites surfaces
  • l’aspersion d’eau : cette technique consiste à arroser la vigne sans interruption pendant la période critique, à l’aide d’asperseurs disposés tous les 15 à 20 m, afin que la température des bourgeons et des organes herbacés ne descende pas en dessous de 0°C. Il s’agit d’une méthode non polluante mais fort con-sommatrice d’eau (environ 50 m3 par heure et par hectare)
  • le brassage d’air : cette méthode consiste à brasser l’air et à remplacer la cou-che d’air froid qui est au contact de la culture par la couche d’air plus chaud qui se trouve plus haut. Le matériel et la mise en oeuvre coûtent très cher pour un relèvement de la température de l’ordre de 1 à 4 °C. Ce brassage souvent assez bruyant, peut être réalisé par hélicoptère ou par des hélices (protection d’une surface d’environ 4 ha par hélice)
  • d’autres méthodes expérimentales peuvent être citées : fils électriques chauf-fants, brûleurs de gaz fixés à l’arrière d’un tracteur (frost-buster). Des molécules anti-gel à utiliser en pulvérisation foliaire sont également en développement ; si ces substances, des oligosaccharides, semblent permettre d’augmenter de 1 à 2°C la tolérance des vignes au gel de printemps, leur application est très délicate à réaliser et limite de fait leur utilisation pratique.
Asperseurs et hélice de brassage chez Opus One (Californie)
Vignes presque entièrement buttées (Québec)

Comment se manifestent sur la vigne les dégâts liés au gel ?

  • sur bourgeons : une coupe transversale réalisée sur bourgeons gelés laisse apparaître une coloration marron ou noir jusqu’au point d’insertion sur le sarment. Ces dégâts peuvent parfois être difficiles à observer car les contre-bourgeons démarrent aussitôt et peuvent masquer le phénomène
  • sur sarments : une coupe transversale fait apparaître un liber (couche mince habituellement de couleur verte située au-dessous de l’écorce et par où circule la sève élaborée) brun ou grisâtre. Les extrémités des rameaux plus sensibles se flétrissent, brunissent et se déssèchent

Que faire après un gel de printemps ?

L’Estimation les dégâts

Estimer des dégâts après un gel de printemps est nécessaire pour optimiser les travaux à mettre en œuvre. Les dégâts ne peuvent être évalués précisément qu’à partir de la reprise de croissance de la vigne (soit environ 3 semaines après l’épisode gélif).

  • Des dégâts jusqu’à 40 % : la vigne va compenser la perte de récolte par les autres rameaux indemnes (si les conditions climatiques à la floraison sont optimales, la récolte pourra être pleine).
  • Des dégâts entre 40 et 60 % : la récolte sera partielle et il faudra veiller à assurer le bois de taille pour l’hiver suivant.
  • Des dégâts supérieurs à 60 % : il n’y aura pas ou peu de récolte. L’objectif principal sera de faire du bois de taille pour l’hiver prochain et préserver l’architecture du cep.

Attention – Aucune intervention ne doit être entreprise sur les vignes avant le redémarrage de la végétation. Il est inutile d’enlever les rameaux gelés qui se dessècheront naturellement tout seuls. L’apport de fertilisant ou de biostimulant pour favoriser la reprise de la pousse est inutile après un épisode gélif, la vigne n’absorbant l’azote qu’à partir du stade 5-6 feuilles. La vigne va enclencher seule des processus de cicatrisation et la reprise de végétation.

L’ébourgeonnage

Lorsque les dégâts ne dépassent pas les 40 %, l’ébourgeonnage doit donc être réfléchi de manière habituelle. En revanche, au-dessus de 40 % de perte, l’ébourgeonnage doit en priorité permettre d’assurer du bois de taille pour l’hiver. Soigner l’ébourgeonnage après un épisode de gel pour éviter un développement trop important de rameaux et maintenir une vigueur suivante 

L’ébourgeonnage après un gel est très utile car il permet un gain économique en étant plus rapide que la taille. En effet, la réalisation d’un ébourgeonnage est essentielle après des dégâts de gel importants pour éviter des chantiers de taille longs et fastidieux l’hiver suivant (la taille de vignes gelées et non ébourgeonnées nécessite 30 à 40 % de temps supplémentaire). L’ébourgeonnage favorise également l’aération du feuillage améliorant ainsi l’induction florale pour l’année suivante. Enfin il permet de choisir les bois pour reconstruire le cep et ainsi préserver son architecture.

L’ébourgeonnage des vignes gelées doit être raisonné selon trois critères :

  • Eliminer les pampres pour privilégier les repousses de bourgeons sur la tête ;
  • Conserver un rameau dans le flux de sève sur la tête de la souche pour former un courson ;
  • Conserver au moins un rameau sur du bois d’un an pour conserver une branche qui porte des fruits.
La protection phytosanitaire

Pour les parcelles gelées jusqu’à 60 %, la protection phytosanitaire doit s’envisager normalement en fonction des stades phénologiques du feuillage restant. Il est nécessaire d’attendre que la végétation redémarre sur les parcelles plus touchées et attendre le stade 7-8 feuilles étalées, pour débuter la protection de la vigne et ainsi préserver les bois.

Faut-il épamprer après le gel ?

Si le cep redémarre après l’épisode de gel, il faut épamprer afin de favoriser la repousse des rameaux et assurer le bois de taille pour l’hiver.

Pour les jeunes plantations, l’épamprage est obligatoire pour les ceps dont la végétation repousse afin de limiter la concurrence.

Il ne faut laisser les pampres que dans le cas des ceps qui doivent être recepés dans l’année, ou pour le cas des souches qui sont trop déséquilibrées.

Dans quelles situations faut-il tailler après des gelées de printemps ?

Trois cas de figure différents peuvent être rencontrés :

  • tous les rameaux, feuilles et grappes sont détruits. Il n’y a rien à faire, les yeux latents, situés à la base des rameaux vont donner une nouvelle végétation réduite de pousses fructifères.
  • il persiste quelques rameaux feuillus bien vivants sans aucune grappe. C’est le seul cas où la taille est indispensable afin de redonner un aspect équilibré aux souches, éviter le développement anarchique des entre-coeurs et produire des bois utilisables pour la taille suivante. Sur les vignes en Guyot, on peut procéder en rabattant les rameaux atteints à quelques millimètres de leur point de naissance, les yeux latents reformeront la végétation. Sur les vignes en Cordon de Royat, on peut procéder comme sur le Guyot ou bien supprimer totalement le rameau supérieur sur le courson, et en rabattant le rameau inférieur à quelques millimètres
  • dans le cas de figure où la souche possèderait encore des jeunes grappes vivantes, il n’y a aucune taille à réaliser

Dans tous les cas, un ébourgeonnage peut être bénéfique si la végétation qui repousse est très buissonnante.

Lors de la taille des vignes grêlées, qui doit être réalisée le plus tardivement possible, plusieurs précautions doivent être prises :

  • sur les plantations de l’année : l’aoûtement des sarments n’étant pas toujours satisfaisant, on peut éventuellement butter les jeunes plantations afin de les protéger du gel
  • sur les vignes âgées de 2 à 3 ans : l’évaluation des dégâts se fait en enlevant les lambeaux d’écorce du jeune tronc. Si les lésions arrivent jusqu’au bois et que la nécrose est constatée, il ne faut pas hésiter à rabattre le tronc de 2 à 3 bour-geons au-dessus du sol pour reconstruire un nouveau tronc
  • sur les vignes adultes : les dégâts concernant uniquement les sarments, ceci peut poser des problèmes à la taille. Les ébauches de fleurs se différenciant dans les bourgeons de juin à juillet, les grêles de fin juillet ou d’août n’auront peu de conséquences sur la fertilité de l’année suivante. On essaiera de conserver sur les tailles courtes, les coursons peu ou pas blessés. Pour les vignes taillées en Guyot, il est assez facile de trouver un long bois peu ou pas blessé par les grêlons. Il est également possible de passer en Cordon de Royat pour une an-née.

CONTACT

Thierry Dufourcq
thierry.dufourcq@vignevin.com

 

 

Anastasia Rocque
anastasia.rocque@vignevin.com

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