LA DESALCOOLISATION PARTIELLE DES VINS

Les politiques de qualité suivies au vignoble se sont traduites par l’élaboration de vins plus concentrés, aux arômes plus expressifs, mais souvent plus riches en alcool et parfois de manière excessive. Dans ce contexte, la diminution de la teneur finale en alcool des vins, tout en conservant les caractères d’une vendange bien mûre, est un enjeu important.

Quelle est la réglementation en vigueur concernant la désalcoolisation des vins ?

Les techniques permettant de diminuer la teneur en alcool des vins viennent d’être autorisées par le nouveau règlement européen n° 606 du 10 juillet 2009 applicable au 1er aout 2009. La diminution de la teneur en alcool est toutefois limitée à – 20 % du degré alcoolique (soit pour un vin d’un degré initial de 15, diminution maximale autorisée à 12°) contrairement au souhait de bon nombre de professionnels intéressés par ces procédés. Il s’agit des techniques applicables sur les vins et le nouveau règlement ne prend donc pas en compte celles réalisées sur moût. Les techniques de « dé-sucrage » et la désalcoolisation supérieure à -2% vol pourront être réalisées sous un régime dérogatoire (expérimentation). Le dispositif de l’expérimentation sous dérogation accordée par le service des Fraudes (DGCCRF) évolue dans le nouveau règlement, et permet d’envisager de mettre en oeuvre ces techniques avec une commercialisation dans les pays de l’union européenne selon certaines contraintes de traçabilité et d’information préalables, entre services officiels des Etats membres concernés (article 4). Les appellations d’origine n’ont pas intégré cette nouvelle possibilité de traitement oenologique dans leurs cahiers des charges. La situation juridique pour les vins AOC sera donc à définir par l’INAO. L’appendice 10 du nouveau règlement précise les conditions de mise en oeuvre de la pratique. La désalcoolisation ne pourra pas être mise en oeuvre sur un produit ayant été enrichi. Le degré final acquis devra rester dans les limites du type de vin élaboré (zone, catégorie…). Le traitement est placé sous la responsabilité d’un oenologue et doit être inscrit dans un registre de cave.. En France, la distillation et le stockage d’alcool sont très réglementés et ne peuvent être réalisés que par des entreprises habilitées avec un statut contrôlé par les services des douanes (DGDDI).

Pourquoi réaliser une désalcoolisation des vins ?

  • pour faciliter le déroulement des fermentations alcoolique et malolactique notamment pour les moûts très riches en sucre par les procédés de dé-sucrage
  • pour diminuer le côté brûlant et le déséquilibre en bouche des vins à teneur excessive en alcool
  • pour améliorer le potentiel aromatique en augmentant la volatilité des composés supérieure à des teneurs en alcool modéré
    pour répondre aux attentes des consommateurs qui préfèrent de plus en plus des vins diététiques, allégés ou à faible teneur en alcool, de 9 à 13% v/v
  • pour créer de nouveaux produits et des vins à teneur réduite en alcool de 0 à 9 %v/v
  • pour des raisons financières et ne pas être asujetti à la taxe en vigueur sur les spiritueux. C’est le cas par exemple aux USA où la limite alcoolique vin/spiriteux est fixée à 14% v/v

Quel est le principe du procédé REDUX® de réduction de la teneur en sucre des moûts ?

Ce procédé, proposé par la société Bucher-Vaslin, associe ultrafiltration et nanofiltration pour éliminer une partie du sucre contenu dans le moût sous forme d’un semi-concentré quasi incolore. L’ultrafiltration prépare le moût en le décolorant afin de permettre une concentration importante en sucre par nanofiltration. L’eau ainsi récupérée est acide, car les acides ne sont que partiellement retenus par la nanofiltration. Cette eau est recyclée et réincorporée dans le moût d’origine, ce qui permet de réaliser une dilution en sucre, en minimisant les pertes de macromolécules. Cette technique ne permet pas de dépasser une baisse de degré supérieure à 2% vol. Les vins obtenus par ce procédé sont de bonne qualité avec des équilibres en bouche très intéressants. Les profils aromatiques de ces vins sont proches des vins sans traitement issus de la même date de récolte, contrairement aux vins issus de récolte précoce mais de même degré. Les composés volatils d’origine fermentaire comme les esters et acétates sont en concentration légèrement plus faible, mais ceci est en relation avec la réduction de la quantité de sucre à fermenter. Les équilibres acides et polyphénoliques sont peu modifiés, et dans certains essais la richesse en polyphénols est même plus importante (concentration). Le principal inconvénient de la technique est une perte de volume importante : environ 7% pour 1% volume d’éthanol probable éliminé. La possibilité de valoriser le sucre éliminé conditionnera l’impact financier de ces pratiques. Dans le nouveau contexte réglementaire cette technique sur moût n’est pas autorisée comme celle sur vins. Elle pourra bénéficier des nouveaux dispositifs réglementaires et être utilisée dans le cadre des dérogations prévues pour l’expérimentation des nouveaux procédés. Un travail pour la reconnaissance de cette technique comme pratique admise par l’OIV est en cours. Des essais récents (IFV Nîmes) montrent qu’une utilisation directe de la nanofiltration (réduction du coût d’investissement) peut être envisagée dans certains cas sans préjudice notable pour la qualité des vins obtenus.

Comment mettre en œuvre les procédés de désalcoolisation des vins par distillation?

La distillation directe est difficilement envisagable, car il existe un risque élevé de perte aromatique. La première étape d’osmose inverse ou de nanofiltration permet d’éliminer un mélange d’eau et d’alcool avec plus ou moins d’autres petites molécules, comme les acides organiques ou le potassium (liquide appelé le perméat). Pour obtenir une réduction de la teneur en alcool, il est nécessaire d’éliminer l’alcool de ce perméat et de réintroduire l’eau ainsi récupérée dans le vin traité. Cette distillation peut être réalisée en continu après l’osmose inverse si le volume de vin à traiter est suffisamment important. Mais il est aussi possible de réaliser ces deux opérations séparément avec, par exemple, un traitement d’osmose inverse ou nanofiltration à la cave et un traitement du perméat à la distillerie. Le traitement en discontinu ne permet pas une baisse importante du degré, en effet le traitement d’osmose inverse ou de nanofiltration concentre les éléments qui ne passent pas dans le perméat, un facteur de concentration volumique important entraînerait une baisse importante de qualité. Par contre pour des désalcoolisations faibles le volume transporté à la distillerie est faible (le perméat de nanofiltration pour une désalcoolisation de 2% correspond à environ 18% du volume du vin traité). Le coût de transport est ainsi moins important que si le volume du vin à traiter est envoyé à la distillerie. L’alcool récupéré est un alcool très concentré, 85 à 95% vol, et peut être directement valorisé par la distillerie. La perte de volume est donc légèrement supérieure au volume d’alcool éliminé du vin (1,1%pour 1% vol éthanol). La distillation ne peut être réalisée que par un opérateur habilité (statut de distillateur). A ce jour deux prestataires proposent ce couplage, la société Paezold avec un déplacement en cave (faible débit de traitement), la distillerie d’Olonzac avec envoi du vin à traiter (forte capacité de débit de traitement).

Quel est le principe du procédé de désalcoolisation membranaire Memstar™AA des vins ?

Ce procédé est basé sur 2 opérations membranaires successives. Comme dans le procédé présenté précédemment, une nanofiltration permet d’extraire un perméat composé essentiellement d’eau et d’alcool. Dans un deuxième temps, un contacteur membranaire (système de membranes hydrophobes) permet d’extraire l’alcool du perméat dans de l’eau sur l’autre face de la membrane. Le perméat ainsi désalcoolisé est alors réinjecté en continu dans le vin en cours de traitement, évitant ainsi toute concentration du vin. L’effluent produit est riche en alcool (jusqu’à 10% v/v), et représente de 10% à 15% du volume de vin traité par degré retiré du vin. Il est considéré comme un effluent de cave, mais une valorisation de l’alcool serait sans doute intéressante et constituerait un bon moyen de dépolution. Actuellement, en France, ce procédé est proposé en prestation par la société EURODIA et la société GEMSTAB.

Et le procédé de désalcoolisation des vins Spinning Cone Column (SCC) ou colonne à cônes rotatifs (CCR) ?

Cette technologie, commercialisée par la firme australienne Flavourtech, n’a encore jamais été testée en France, bien qu’elle soit utilisée largement dans l’industrie vinicole, en Californie notamment, depuis plus de 15 ans. Ces principaux avantages sont d’ajuster les teneurs en alcool sans perte aromatique, et de produire des vins à faible teneur en alcool (0.5%) à l’arôme variétal préservé. Il est nécessaire uniquement de traiter une fraction du vin. Le titre de l’alcool retiré est élevé de 60 à 80% v/v, ce qui limite la perte d’eau à un faible volume.
Le traitement est réalisé en plusieurs étapes et en deux passages sur la colonne rotative :

  • une fraction du vin seulement est traitée (volume calculé en fonction du volume d’alcool à éliminer pour l’ensemble du vin à désalcooliser)
  • un premier passage de cette fraction de vin sur colonne permet d’extraire les composés très volatils (arômes) dans une petite fraction alcoolique à une température de 30°C
  • le deuxième passage permet quant à lui d’éliminer l’alcool sur cette fraction du vin désaromatisée. L’extrait aromatique est réintroduit dans cette fraction désalcoolisée
  • cette dernière fraction est alors réintroduite dans le volume total du vin à déalcooliser

A titre d’exemple, pour le modèle SCC10,000 disposant de deux colonnes, pour un lot de 100 hl de vin à 15% TAV, il sera nécessaire de traiter 10 hl de vin (30 min de traitement) pour diminuer la teneur en alcool à 13,9%, de 70 hl (3 h 30 de traitement) pour réduire la teneur à 6% et 100 hl (5 h de traitement) pour réduire la teneur à 0,5%. Ce procédé, très intéressant et respectueux des qualités organoleptiques du vin, sera expérimenté prochainement par les ingénieurs de l’IFV.

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