LA GESTION DES EAUX DE LAVAGE DES TRACTEURS

Depuis 2007, l’ensemble des effluents phytosanitaires ramenés au sein des exploitations (fonds de cuve des pulvérisateurs, eaux de lavage de l’intérieur et de l’extérieur des pulvérisateurs) doit faire l’objet d’une épuration (arrêté du 12 septembre 2006).

Quel est l’intérêt du rinçage à la parcelle ?

Le rinçage à la parcelle consiste à diluer en fin de traitement le reliquat et à le pulvériser sur la parcelle traitée. L’eau de rinçage peut soit provenir d’un poste de remplissage avec robinet ou d’une cuve d’eau claire embarquée. Cette pratique possède de nombreux avantages :

  • pérénisation du matériel de pulvérisation en évitant l’usure prématurée des buses, des jauges et autres débimètres
  • réduction des pollutions ponctuelles
  • diminution de l’exposition de l’utilisateur avec des produits concentrés
  • amélioration du confort et de la qualité de travail en limitant le colmatage des buses et en diminuant la fréquence de nettoyage
  • réduction de la quantité d’effluents ramenée à l’exploitation et simplification du traitement des effluents

Comment pratiquer le rinçage à la parcelle ?

La première étape nécessaire à un bon rinçage à la parcelle est de disposer d’un pulvérisateur adapté réduisant à la source les fonds de cuve et les volumes morts. Ce rinçage peut être décomposé en 3 étapes successives :

  • pulvérisation de la bouillie jusqu’au désamorçage poussé
  • dilution du reliquat de bouillie avec un volume d’eau claire minimum de 5 fois le volume de fond de cuve. Pour une meilleure efficacité, cette dilution peut se faire en 2 étapes. Par exemple pour un fond de cuve de 20 litres, une quantité minimum de 80 litres d’eau claire sera nécessaire. Deux dilutions successives puis pulvérisation avec 40 litres d’eau claire au lieu d’une seule de 80 litres sont ainsi préférables
  • repulvérisation, en dynamique jusqu’au désamorçage, du fond de cuve dilué sur une parcelle déjà traitée. Veiller à ce que la dose totale appliquée ne dépasse pas la dose maximale autorisée

Les constructeurs de matériel, proposent des systèmes de cuves de rinçage embarquées très variés, qui se distinguent en termes de possibilités d’action (simple dilution du fond de cuve, rinçage des parois intérieures de la cuve de bouillie, rinçage spécifique du circuit de pulvérisation), d’efficacité et d’ergonomie. En fonction du type de matériel de pulvérisation utilisé, le rinçage à la parcelle demande de 10 à 25 minutes.

Comment concevoir une aire de lavage des tracteurs ?

Afin de pouvoir traiter les eaux de lavage du pulvérisateur, l’exploitation viticole doit être équipée d’une plate-forme de lavage permettant la récupération de ces eaux. L’objectif est de diminuer au maximum la quantité d’eau utilisée pour le lavage, entre autres grâce à des jets stoppeurs. Plusieurs aspects doivent être pris en compte lors de la conception d’une aire de lavage :

  • le dégrillage : ce système, parfois complété par un décanteur, permet de récupérer dans des paniers les éléments susceptibles de boucher les canalisations et de perturber le fonctionnement des pompes
  • l’élimination des huiles et autres lubrifiants entraînés au cours du lavage des tracteurs et du matériel de pulvérisation. Cette opération est réalisée par une cuve de transfert des eaux dans laquelle sont placées une ou plusieurs parois verticales dans sa partie supérieure. Les huiles plus légères sont ainsi retenues en surface
  • l’utilisation de jets d’eau adaptés, de boules de nettoyage ou de nettoyeurs haute pression permet de limiter le volume d’effluent généré, et par conséquent le coût induit par leur stockage
  • la séparation des eaux de lavage et des eaux de pluies. A cet effet, la construction d’une aire couverte, bien que coûteuse, peut s’avérer intéressante. Une autre option consiste à séparer les eaux par un système de vannes ou de by-pass
Exemple d’une aire de lavage (crédit Magali Grinbaum-IFV Orange)

Quelles sont les caractéristiques des eaux de lavage des tracteur ?

Les effluents possèdent des compositions très variables en fonction des exploitations, à travers leur concentration en molécules phytosanitaires, leur nombre de substances actives, et la nature et les caractéristiques des substances actives.

Les volumes d’effluents générés sont indépendants de la taille des exploitations et varient en fonction :

  • des pratiques (rinçage à la parcelle, lavage extérieur après chaque traitement ou 4 à 5 fois dans la saison)
  • du matériel de pulvérisation utilisé (face par face, buse à dérive limitée…)
  • du niveau de propreté recherché

Le tableau ci-dessous présente les volumes d’effluents générés au cours d’un traitement phytosanitaire. Ces mesures ont été réalisées dans le Bordelais, sur 24 pulvérisateurs, par l’IFV Aquitaine sur la période 2000-2004.

Volumes concernésFourchette de résultats en litres
Mininum-Maximum
Fond de cuve total0,2 à 41
Eau de rinçage intérieur (cuve + circuit)27 à 145,4
Eau de rinçage extérieur11 à 301
Total eau de rinçage41 à 354

Quels sont les procédés de traitement des eaux de lavage des tracteurs ?

Les Ministères de l’écologie et de l’agriculture ont souhaité établir une liste positive des dispositifs de traitement. Au total, 11 procédés ont été homologués à ce jour en viticulture. Les systèmes de traitement des effluents de pulvérisation fonctionnent selon des procédés de concentration des molécules suivi d’une gestion des concentrâts en déchets industriels spéciaux par incinération ou de dégradation des substances actives par voie physico-chimique ou biologique.

  • Evaporation naturelle sous l’effet du vent et du soleil par le procédé Héliosec®. Le dispositif est constitué d’un bac numéroté en polyéthylène d’une superficie de 6 m2 sur 50 cm de haut et surmonté d’un toit transparent destiné à le protéger des eaux de pluie. L’ensemble est installé dans une zone favorable à la déshydratation (ensoleillement, vent, température). L’intérieur du bac est recouvert d’une double enveloppe plastique et d’une bâche spécifique fine qui permet de récupérer le concentrât en fin de cycle en limitant le contact avec le manipulateur. Les résidus secs doivent être stockés dans un fût de 60 litres fourni par le distributeur avant leur gestion en déchets dangereux. Capacité de traitement : jusqu’à 4 500 L/an. Investissement de départ : 5 000 €. Coûts annuels : 30 € (bâche) + frais de gestion des déchets
  • Déshydratation sous sache par évaporation naturelle par le procédé OsmoFilm®. Ce procédé de déshydratation consiste à introduire l’effluent dans une sache Osmofilm® d’une capacité de 250 litres et constituée d’une membrane plastique sélective uniquement perméable à l’eau. Après une durée variable en fonction des conditions climatiques, la sache ne contient plus que les produits phytosanitaires concentrés qui doivent être éliminés en centre agréé pour les déchets dangereux. Capacité de traitement : entre 750 et 1 000 litres/an . Investissement : 4 200 € pour une installation complète. Coûts annuels : 25 € par sache de 250 litres, soit 200 € pour le traitement de 2 m3 d’effluents
  • Evaporation forcée par chauffage EvapoPhyt®. Dispositif autonome composé
    d’une cuve en acier inoxydable d’une capacité de 500 litres branchée sur le courant monophasé de 220 V. Les bouillies sont vidées directement dans la cuve, sauf en cas de lavage extérieur où un passage sur un dispositif déshuileur est nécessaire. Capacité de traitement : 50 litres d’effluent/jour. Capacité de traitement : 100 à 500 l/heure. Investissement de départ : à partir de 10 000 € (modèle disposant d’une cuve de 250 litres) et 12 000 € pour le modèle de 500 litres. Coûts de fonctionnement : consommation électrique, changement des filtres à charbon actif (environ 300 €) + 700 € de contrat d’entretien annuel proposé par Staphyt
  • Coagulation-floculation puis filtration Sentinel®. La station est constituée de deux parties : un réservoir principal sur la partie supérieure et un système de traitement au charbon actif dans la partie inférieure. Un cycle complet de
    traitement comporte cinq étapes.Capacité de traitement : 100 à 500 l/heure. Investissement de départ : de 13 500 à 63 500 € en fonction de la capacité de traitement. Coût de fonctionnement : de 20 €/m3 d’effluents traités à 35 €/m3 en fonction des modèles proposés
  • Coagulation-floculation puis ultrafiltration sur charbon actif BF Bulles®. Un prétraitement avec un coagulant est effectué en amont dans la cuve de stockage.
    Le surnageant est ensuite filtré par le dispositif. La filtration se fait par une série de filtres : 4 pré-filtres avec un maillage allant de 25 à 1 μm, puis 8 ou 16 filtres à charbon actif (en fonction du modèle) absorbant et adsorbant les résidus phytosanitaires. Capacité de traitement : 1000 à 1800 l/heure. Investissement initial : entre 17 500 € et 23 500 €. Frais de fonctionnement : environ 70 €/m3 + traitement des boues en déchet dangereux
  • Pré-traitement puis filtration par osmose inverse Phytopur®. Un pré-traitement est effectué directement dans la cuve de stockage avec des produits de coagulation-floculation. L’effluent pré-traité est alors pompé pour intégrer le dispositif. L’opération de filtration par osmose inverse est suivie d’une étape de finition par adsorption sur charbon actif. Capacité de traitement : 900 et 1 000 l/h. Coût de la prestation : 480 € le déplacement et 89 €/m3 traité.
  • PhytoMax®. Pré-traitement par coagulation-floculation, puis fonctionnement en boucle pendant 30 jours. Capacité de traitement :12 m3 d’effluents traités an-nuellement sur le modèle standard. Coût d’investissement : 20 000 € Coût de fonctionnement : environ 60 €/m3
  • PhytoCat® par photocatalyse. Ce procédé est basé sur l’action conjointe d’un catalyseur et des rayonnements ultraviolets. Le catalyseur utilisé pour ces deux procédés est le dioxyde de titane (Ti02). Les UV apportent l’énergie nécessaire au catalyseur introduit dans l’effluent pour former des radicaux hydroxyles OH° dégradant les polluants organiques par oxydation. L’effluent s’écoule sur une rampe recouverte d’un papier sur lequel est fixé le catalyseur.Préparation du batch (15 minutes) avec filtration de l’effluent permettant la séparation de la phase solide de la phase liquide de l’effluent puis réalisation du cycle de traitement pendant 15 jours. Capacité de traitement :de 12 à 24 m3 d’effluents/an. Coût d’investissement : entre 16 000 € et 22 400 €. Coût de fonctionnement : de 40 €/m3 à 50 €/m3
  • Dégradation biologique sur substrat Phytobac®. Le lit biologique biobed a été développé en Suède au début des années 1990, sur la base des propriétés épuratrices naturelles des sols. Le Phytobac® mis au point par Bayer CropScience s’inspire de ce principe. Il est composé d’un bac étanche comprenant un mélange de terre et de paille sur une hauteur maximale de 60 cm après tassement, dans lequel les effluents sont introduits régulièrement. Le bac doit absolument être muni d’un dispositif de couverture amovible, soit par rail, soit par charnière, de manière à permettre le retournement du substrat, la vidange et le remplissage. Capacité de traitement : la superficie du bac à mettre en place varie entre 2,5 et 5 m² par mètre cube d’effluents générés annuellement au sein de l’exploitation. Le coût d’un lit biologique réalisé en autoconstruction varie entre 2 000 et 6 000 € pour le traitement de 2 m3 d’effluents et de 4 à 15 000 € pour le traitement de 10 m3 d’effluents. Le coût d’un Phytobac® prêt à l’emploi varie de 3 000 à 8 000 €, en fonction des finitions, pour le traitement de 2 m3 d’effluents et de 7 000 à 15 000 € pour des volumes de l’ordre de 10 m3 d’effluents. Dans les deux cas, les dispositifs sont équipés d’un système de gestion de l’humidité permettant de fiabiliser et de sécuriser leur fonctionnement
  • Dégradation biologique par ensemencement de bactéries STBR2®. Un pré-traitement est effectué dans la cuve de stockage des effluents par ajout d’un activateur biologique. Des micro-organismes sont mis en culture dans un fermenteur et ajoutés séquentiellement à l’effluent à traiter dans une cuve appelée « digesteur ». Les substances actives sont dégradées par le métabolisme enzymatique. L’effluent est ensuite décanté, puis passe au travers d’un filtre biologique pour la finition du traitement. Capacité de traitement : traitement en continu avec un temps de séjour de 30 jours dans le digesteur.
    Le dimensionnement du digesteur conditionne le volume d’effluents traité annuellement. Investissement : de 13 000 € (6 m3/an) à 44 000 € (185 m3/an). Coûts de fonctionnement : de 30 à 60 €/m3 d’effluents en fonction des modèles
  • Traitement commun aux effluents de cave Vitimax®. Un pré-traitement est effectué dans la cuve de stockage des effluents phytosanitaires. Il consiste en une coagulation-floculation de manière à retenir les éléments minéraux (cuivre,
    soufre, aluminium…) qui ne seraient pas dégradés par la biomasse microbienne. Les effluents sont ensuite introduits directement dans la chambre de traitement de la station. La station d’épuration des effluents de cave et de pulvérisation réalise un traitement biologique de type boue activée. Elle est composée d’une cuve enterrée en matériau composite qui est compartimentée en fonction des différentes phases de traitement (stockage, décantation, traitement). Le procédé en cuve doit être complété par un dispositif de finition (lit de sable ou filtres plantés de roseaux).
  • Traitement commun aux effluents de cave Cascade Twin®. Le procédé consiste à utiliser la biomasse présente dans un système de traitement biologique extensif des effluents vinicoles (type stockage aéré) pour assurer une biodégra-dation des produits phytosanitaires. Le dispositif est complété par un traitement de finition sur un massif de silice ou filtres plantés de roseaux
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