LA GESTION DES EFFLUENTS VINICOLES

La filière viticole, comme tout autre secteur, doit limiter l’impact environnemental de ses rejets, susceptibles de perturber l’équilibre biologique des rivières surtout pendant la période des vendanges.

Quelle est la réglementation en vigueur concernant les effluents vinicoles ?

D’une façon générale, la loi sur l’eau, le code rural, le code de la santé publique et le réglement sanitaire départemental s’appliquent aux exploitations. Les autres lois concernées sont la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), le décret n°93-1412 du 29 décembre 1993 modifiant la nomenclature des installations classées, l’arrêté du 15 mars 1999 et l’arrêté du 3 mai 2000. La réglementation s’appliquant à une exploitation donnée dépend de sa capacité de production :

  • < 500 hl : loi sur l’eau, code rural et réglement sanitaire départemental
  • de 500 à 20 000 hl : ICPE soumise à déclaration. Arrêté du 15 mars 1999
  • > 20 000 hl : ICPE soumise à autorisation. Arrêté du 3 mai 2000

Quelles sont les démarches administratives à réaliser concernant les effluents vinicoles ?

  • Les exploitations soumises à déclaration doivent déposer en préfecture un dossier descriptif complet en trois exemplaires. Ce dossier comprend l’identité du demandeur (raison sociale, forme juridique, SIRET, APE, nom, prénom et signature du demandeur), la localisation de l’installation, la nature et le volume des activités, le plan de situation du cadastre, un plan d’ensemble au 1/200e, les modes et les conditions d’épuration et d’évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature. Les dispositions prévues en cas de sinistre sont précisées
  • Les exploitations soumises à autorisation doivent adresser une demande d’autorisation au Préfet du département. Cette demande, remise en 11 exemplaires comprend en plus de la documentation prévue pour les exploitations soumises à déclaration, les procédés de fabrication pour apprécier les dangers, les capacités techniques et financières de l’exploitation, une carte au 1/25 000 sur laquelle sera indiqué l’emplacement de l’exploitation, un plan à l’échelle 1/2 500 de l’exploitation, une étude d’impact de l’installation sur l’environnement, une étude de danger, une notice relative à la conformité de l’installation

Redevance pollution et aides financières de l’Agence de l’eau ?

En France, la gestion de l’eau s’organise autour de 6 bassins hydrographiques : Loire-Bretagne, Artois-Picardie, Seine-Normandie, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse et Adour-Garonne. La ressource en eau est gérée par les Agences de l’eau, établissements publics qui perçoivent des redevances et attribuent des subventions. La redevance pollution est payée par les producteurs d’effluents. Elle est le plus souvent évaluée forfaitairement par application d’un barème ministériel et est généralement compris entre 0,4 et 1,2 €/hl produit par an. Lorsqu’un dispositif permet d’éviter la détérioration de la qualité de l’eau, l’Agence de l’eau verse au maître d’ouvrage une prime pour épuration. Elle subventionne également les études préalables à la mise en place d’installation de traitement.

Quels sont les critères pour évaluer la charge polluante des effluents vinicoles et les valeurs limites de rejet des caves soumises à autorisation et à déclaration ?

Les principaux critères pour évaluer la charge polluante sont :

  • les matières en suspension (MES) qui caractérisent les fractions non dissoutes. Elles sont mesurées par pesée après décantation, filtration ou centrifugation
  • la demande biochimique en oxygène (DBO5) qui correspond à la quantité d’oxygène nécessaire, pendant 5 jours, aux micro-organismes dans l’eau pour oxyder une partie des matières carbonnées. Elle représente la quantité de pollution bio-dégradable
  • la demande chimique en oxygène qui correspond à la quantité d’oxygène qu’il faut fournir grâce à des réactifs chimiques puissant pour oxyder les matières contenues dans l’effluent. Elle représente la quantité totale de pollution oxydable
    les matières oxydables (MO). C’est un paramètre utilisé par les agences de l’eau pour caractériser la pollution organique des eaux (= 2DBO5 + 1DCO)/3
  • les matières azotées (MA). Elles représentent la teneur en azote organique et ammoniacal des eaux usées
  • l’équivalent habitant. Ce critère permet de comparer le niveau de pollution journalier rejeté à celui d’une agglomération

CritèreValeurs limites applicables aux rejets dans le milieu naturelValeurs limites applicables aux rejets dans un réseau lié à une station d'épuration
pH4 à 8,5 (9,5 s'il y a neutralisation alcaline) (déclaration)
4,5 à 8,5 (9,5 s'il y a neutralisation alcaline) (autorisation)
4 à 8,5 (9,5 s'il y a neutralisation alcaline) (déclaration)
4,5 à 8,5 (9,5 s'il y a neutralisation alcaline) (autorisation)
Température<30°C<30°C
MES100 mg/l jusqu'à 15 kg/j
35 mg/l au-delà
600 mg/l au-delà de 15 kg/j
DBO5100 mg/l jusqu'à 30 kg/j
30 mg/l au-delà
800 mg/l au-delà de 15 kg/j
DCO300 mg/l jusqu'à 100 kg/j
125 mg/l au-delà
2000 mg/l au-delà de 45 kg/j

Comment diminuer le volume et la charge polluante des effluents vinicoles ?

  • en économisant l’eau. Le volume d’eau nécessaire pour produire 1hl de vin varie selon les caves de 30 à 250 litres. Afin de limiter les volumes d’eau on peut installer un compteur d’eau spécifique à l’activité vinicole pour sensibiliser le personnel, adapter la conception des chais (dispositifs d’écoulement, choix de matériau facilement nettoyables), limiter les pertes (détection des fuites, installation de dispositif d’arrêt automatique), optimiser les opérations de nettoyage (prénettoyage à sec à la raclette, utilisation des produits de nettoyage selon le mode d’emploi, utilisation de surpresseur, utilisation d’eau chaude)
  • en récupérant les sous-produits, bourbes et lies très chargés en matières organiques et valorisables en distillerie
  • en récupérant les résidus : les jus de détartrage à la soude peuvent être recyclés par les entreprises spécialisées dans la récupération d’acide tartrique
  • en dégrillant : cette opération permet d’éliminer les éléments grossiers et les corps étrangers. Elle peut également être réalisée dans un bac de décantation.

Comment stocker les effluents vinicoles et à quel coût ?

Les effluents peuvent être stockés dans un bassin ouvert qui est le mode de stockage le plus économique (de 30 à 75 €/m3 stocké), mais peut présenter des nuisances olfactives et éventuellement sonores lorsque le bassin est équipé d’aérateurs. Le volume est augmenté par les eaux de pluies. L’autre solution qui présente un coût assez élevé est le stockage dans un bassin fermé. Son intégration est plus facile à envisager lorsqu’il est enterré. Des règles strictes vis-à-vis du personnel doivent être respectées

Différents matériaux peuvent être utilisés pour le stockage :

  • le béton qui autorise toutes les tailles et formes de bassin. En général, l’ensemble du bassin est coulé sur place mais il existe des solutions en kit. Un traitement résistant aux agressions est nécessaire pour assurer la perennité du stockage (préfabriqué de 60 à 110 €/m3 stocké ; béton enterré de 300 à 450 €/m3)
  • le métal, généralement utilisé en stockage hos-sols. Les cuves métalliques demeurent de taille modeste (<100 m3). Le métal doti être recouvert d’une résine ou subir un traitement de surface afin d’éviter la corrosion liée à l’acidité des effluents
  • les plastiques (polyester, PEHD, Polyéthylène Haute Densité). Ces cuves sont constituées de fibres de verre enrobées dans une résine ou en PEHD. Ces cuves présentent l’avantage de ne pas nécessiter de revêtement. A utiliser pour des volumes relativement faibles (70 m3) (de 150 à 300 €/m3 stocké)
  • la citerne souple polyester. Ce stockage pouvant aller jusqu’à 250 m3 est moins onéreux que le béton mais parfois difficile à nettoyer. Son emprise au sol doit être forte
  • les géomembranes (élastomères ou plastomères). Elles doivent être mises en oeuvre par des spécialistes afin d’assurer les conditions optimales de longévité. L’infrastructure, lourde et technique n’est pas facilement envisageable sur les petites exploitations (de 30 à 75 €/m3 stocké)

Quelle stratégie de mise en oeuvre de l’épuration des effluents vinicoles ?

La mise en œuvre d’un système de traitement représente généralement un investissement lourd, associé à des coûts de fonctionnement conséquents. Différentes stratégies peuvent être envisagées :

  • l’installation individuelle qui permet de réaliser l’épuration à la cave et de rejeter directement dans le milieu naturel ou de faciliter le raccordement de la cave à la station d’épuration communale
  • l’installation collective qui présente un avantage financier par la mise en commun du matériel. L’unité de traitement collectif prend en général la structure juridique d’une CUMA ou d’un GIE
  • la prestation de services : traitement, suivi du dispositif, gestion des boues. Ce choix justifie de la part du prestataire des engagements sur les performances en particulier pendant la pointe d’activité
  • le traitement collectif mixte qui permet d’associer les effluents vinicoles aux effluents urbains dans un traitement de type « boues activées ». Plusieurs conditions technique et réglementaires doivent être respectées. La station doit être adaptée à la surcharge de l’activité vinicole pendant les vendanges. Le réseau de collecte de la commune doit être de type séparatif. Une convention de raccorde-ment doit être signée entre la collectivité, le gestionnaire de la station d’épuration et les partenaires vinicoles

Quels sont les différents procédés d’épuration des effluents vinicoles ?

  • l’épandage. Ce procédé très encadré réglementairement et peu coûteux repose sur les capacités épuratoires du système sol-micro-organismes-plantes. D’un point de vue réglementaire, un stockage tampon de 5 jours doit être assuré. Il est interdit dans certaines zones (risques inondation, proximité cours d’eau, point de captage…) et tout épandage est subordonné à une étude préalable. D’un point de vue technique, il est facile à mettre en œuvre et pour les petites structure, l’épandage est en général réalisé par « tonne à lisier ». Pour des caves importantes, un épandage par canon peut être envisagé
  • le stockage aéré qui consiste par aération et brassage séquentiel à favoriser le développement de micro-organismes qui vont dégrader progressivement la pollution soluble. Il s’agit d’un procédé discontinu qui se déroule en 3 phases : aération à l’aide d’aérateurs pendant 3 à 8 semaines, sédimentation pendant quelques jours (1 à 3 % de boue générée) avant vidange dans le milieu naturel ou égout
  • les boues activées. Ce procédé biologique continu repose sur la mise en présence de l’effluent à traiter avec une culture bactérienne. C’est le principe le plus courant des stations d’épuration communales
  • les traitements anaérobies par méthanisation adaptés aux petites et moyennes structures. Les composés organiques sont dégradés par des micro-organismes en l’absence d’oxygène et sous conditions maîtrisées (pH, température). Un traitement aérobie complémentaire est souvent nécessaire
  • l’évaporation naturelle et forcée est utilisée dans le Sud de la France. Les effluents sont stockés dans un bassin de faible profondeur, les résidus solides sont épandus pendant la période estivale. Ce procédé peut nécessiter une couverture de bassin
  • le lit de sable. Les massifs filtrants se composent d’un lit de sable d’environ 70 cm d’épaisseur. Généralement plusieurs lits sont associés et fonctionnent par cycle de 3 à 4 jours.
  • le lit planté. Cette technique s’inspire du fonctionnement des écosystèmes de milieu humide (marais). Son mode de fonctionnement peut être rattaché à un traitement biologique à culture fixée sur support fin (gravier, sable)
  • le filtre gravillonnaire à recirculation. L’effluent subit un traitement biologique préalable dans des cuves aérées, puis circule plusieurs fois sur un lit de pouz-zolane sur lequel va se fixer la biomasse. La recirculation sur le support micro-bien conduit à une évaporation progressive de l’effluent
  • le support de compost. Le principe de traitement repose sur les propriétés de fixation et de support biologique du compost. Il s’agit de fixer progressivement par recirculation, la pollution soluble
  • l’épandage sur taillis à très courte rotation. Variante de l’épandage, les effluents sont répartis sur un taillis (de saule par exemple) à l’aide d’un réseau d’irrigation qui peut être posé sur le sol ou enterré. Les surfaces d’épandage sont moins importantes comparativement à un épandage classique
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