LA MAÎTRISE DE LA FERMENTATION MALOLACTIQUE OU FML

La fermentation malolactique, ou FML, influence la qualité organoleptique des vins, particulièrement celle des vins rouges. Les modifications qualitatives dépassent largement la simple modification de l’acidité.

Qu’est-ce que la fermentation malolactique ?

La fermentation malolactique désigne la désacidification biologique du vin sous l’action de bactéries. La transformation de l’acide malique conduit à la formation de l’acide lactique, un acide plus faible, et se réalise selon l’équation suivante :

COOH-CHOH-CH2-COOH —-> CH3-CHOH-COOH + CO2

La fermentation malolactique ou FML est généralement assurée par une espèce de bactérie lactique : Oenococcus oeni, anciennement appelée Leuconostoc oenos.

Pourquoi réaliser la fermentation malolactique ?

La fermentation malolactique s’impose pour l’ensemble des vins rouges puisqu’elle confère souplesse, rondeur et stabilité microbiologique. Concernant les vins blancs, la fermentation malolactique est recherchée en zone septentrionale et est plus rare en zone plus chaudes. Alors que certains cépages comme le Chardonnay sont mis en valeur, d’autres comme le Sauvignon Blanc riches en arômes variétaux sont complètement transformés. En ce qui concerne les vins rosés, le Centre de Recherche et d’Expérimentations sur le Vin Rosé, étudie depuis 2002 la question de la fermentation malolactique sur vins rosés. Les vins rosés où la fermentation malolactique a été réalisée sont plus orangés, moins aromatiques et moins bien appréciés en règle générale.

Quels sont les facteurs influençant la fermentation malolactique ?

  • La croissance des bactéries lactiques se fait à partir de quantités minimes de sucres pour atteindre la population d’environ 1 million de bactéries/ml. Sauf exception, le vin est toujours assez riche en sucres, acides aminés et vitamines
  • Les bactéries peuvent se développer à partir d’un pH de 2.9-3.0, mais l’optimum se situe vers 3.7-3.8. L’activité malolactique par contre est optimale pour un pH de 3.0 à 3.2
  • Les polyphénols ont un rôle variable et peu connu
  • L’alcool, au dessus de 13% vol. gêne les bactéries
  • L’activité de la FML croît avec la température avec comme optimum 20-22°C
  • Une légère aération semble favoriser le déclenchement de la FML
  • L’interaction levures-bactéries est très complexe. Les inhibiteurs produits par la levure gêne le développement des bactéries en fin de fermentation alcoolique

Quelles sont les bonnes pratiques de la fermentation malolactique ?

  • Limiter les sulfitages des moûts aux valeurs minimales
  • Maintenir la température du vin après fermentation alcoolique vers 20-22°C
  • Eviter les acidités trop fortes. Si besoin, ne pas hésiter à désacidifier légèrement un lot
  • Suivre le déroulement de la fermentation malolactique 1 à 3 fois / semaine suivant la vitesse du phénomène. La chromatographie sur papier est suffisante pour observer le début et le déroulement général, mais la fin doit être suivie par dosage enzymatique. On considère la FML achevée lorsque la teneur en acide malique résiduel est inférieure à 0.2 g/l
  • Dès la disparition de l’acide malique, les bactéries peuvent transformer l’acide citrique en diacéthyle (odeur beurrée), et produire de l’acidité volatile à partir des traces de sucres résiduels. Le vin doit être soutiré et sulfité pour obtenir 25-35 mg/l de SO2 libre. 4.5-5 g/hl suffisent en règle générale
  • Procéder à l’ensemencement naturel à l’aide des lies non sulfitées issues d’une cuve ayant connu une bonne FML. Attention au risque de contamination croisée en Brettanomyces d’une cuve à l’autre !!
  • Utiliser des bactéries sélectionnées. L’ensemencement bactérien peut permettre de réduire les coûts liés au chauffage, de préserver les qualités organoleptiques et hygiéniques du vin, tout en respectant les délais de commercialisation

Quels sont les risques d’une fermentation malolactique non maîtrisée ?

  • Dégradation de l’acide tartrique par des bactéries du genre Lactobacillus (maladie dite de la tourne)
  • La décomposition du glycérol (maladie de l’amertume)
  • La fermentation des sucres par les bactéries lactiques (piqure lactique ou mannitique)
  • La maladie de la graisse qui se produit par la production de glucanes par des bactéries du genre Pediococcus et conduit à une augmentation de la viscosité du vin
  • La production de phénols volatils par certaines bactéries lactiques ou par Brettanomyces lors d’une FML languissante
  • La dégradation de l’acide citrique et la production de diacéthyle
  • La formation de goût de souris à partir d’acides aminés (lysine et ornithrine) et de certains sucres
  • La production d’amine biogène : alors que la cadavérine et la putrescine peuvent masquer les arômes, la tyramine et l’histamine ont un un effet toxique sur la santé

L’ensemencement des vins ?

Auparavant, la réalisation d’un ensemencement bactérien incluait une réactivation de la biomasse et nécessitait un minimum d’équipement, du temps et des connaissances de base en microbiologie. Depuis plusieurs années plusieurs souches à ensemencement direct ou à acclimatation simplifiée sont disponibles sur le marché. Il s’agit d’une technique fiable, puissante et aboutie pour maîtriser la FML et moduler son déroulement en fonction des conditions oenologiques. Malgré son intérêt évident, seulement 7 à 8% des vins produits à l’échelle mondiale sont ensemencés en bactéries lactiques. Le choix de la biomasse à utiliser dans un vin est un critère important pour la réussite de l’ensemencement bactérien car les souches résistent plus ou moins bien aux conditions physico-chimiques rencontrées dans les vins. Il existe des souches inhibées par les composés phénoliques des vins rouges. L’ensemencement est en général pratiqué après la fermentation alcoolique.

Et la co-inoculation ?

La co-inoculation est une technique qui consiste à co-inoculer un moût en levures et en ferments malolactiques. Elle permet d’accélérer significativement la réalisation de la fermentation malolactique. Ce gain de temps peut être décisif pour les vins primeurs, les vins à pH élevés (>3.6), et peut limiter les risque de déviations dues aux bactéries lactiques ou à des levures de contaminations. Selon les cas, les bactéries lactiques sont ajoutés en même temps que les levures (co-inoculation au sens stricte) ou après les levures en début ou en cours de fermentation alcoolique (ensemencement bactérien précoce). Pour obtenir un bon taux de réussite, il est important de suivre plusieurs points:

  • bonne gestion du développement des levures
  • bonne maîtrise thermique
  • éviter les sulfitages excessifs pour les vins blancs (ensemencement à 24h cas d’un sulfitage < 5g/hl, ensemencement à 48h cas d’un sulfitage de 5 à 8g/hl, ensemencement à 72h cas d’un sulfitage > 8g/hl)
  • pour les vins blancs à forte acidité, il est important de prendre en compte la baisse « naturelle » du pH, les premiers jours de fermentation, parallèlement au métabolisme des composés azotés   par la levure. Le pH remonte ensuite parallèlement à la production d’alcool par la levure. Dans ces conditions, il est préférable de réaliser l’ensemencement bactérien lorsque environ 50% de la fermentation alcoolique sont réalisés.
  • suivre régulièrement l’acide malique lors du dernier tiers de la fermentation alcoolique
  • utiliser lors de la fermentation alcoolique des nutriments complexes à base d’acides aminés pour que la levure n’épuise pas les stocks disponibles
  • ne pas mettre en oeuvre la co-inoculation sur vendange altérée

Quel est le coût d’un ensemencement bactérien des vins ?

Le coût des bactéries lactiques avec phase de réactivation est d’environ 0.90 €/hl. Pour les souches à ensemencement direct ou à acclimatation simplifiée, il est légèrement supérieur et varie de 1.40 à 3,60 €/hl suivant la souche désirée et la procédure d’acclimatation.

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