LA PULVÉRISATION D’AZOTE FOLIAIRE A LA VÉRAISON

Depuis 2004, l’IFV étudie l’intérêt de pulvériser de l’azote ou un mélange azote et soufre sur vigne pour améliorer le potentiel aromatique des vins blancs et rosés. Les résultats acquis sur 5 cépages dans différentes zones de production (Val de Loire, Sud-Ouest) montrent l’intérêt de la technique.

Quel est l’intérêt de la technique de pulvérisation d’azote foliaire à la véraison ?

  • L’utilisation de l’azote par voie foliaire à véraison permet d’augmenter la teneur en azote assimilable dans le moût : le gain moyen observé,  par rapport à une vigne non traitée,  est de +50% pour 10 unités fertilisantes d’azote. Toutes les fractions azotées du moût sont améliorées.
Gain en azote assimilable en fonction de la quantité d’azote foliaire apportée
  • L’association azote et soufre permet de produire plus de thiols variétaux dans les vins. Les moûts sont plus riches en glutathion et en précurseurs cystéinés des composés aromatiques. Au final les vins issus des vignes pulvérisées présentent en moyenne 3 à 5 fois plus de composés thiolés. Cette technique est donc très fortement influente pour produire des vins aromatiques.
Gain en thiols variétaux (3MH et ac3MH en nmoles/l) dans les vins après pulvérisation d’azote-soufre sur vigne
  • La pulvérisation d’azote et soufre a été testée avec succès sur vins blancs secs (Colombard, Sauvignon, Melon) et doux (Gros Manseng) ainsi que sur vins rosés (Négrette).
  • Choisir une pulvérisation d’azote ou d’azote-soufre permet de choisir un profil aromatique de son vin : profil fruité et amylique = pulvérisation foliaire d’azote ; profil dominé par les thiols variétaux = pulvérisation foliaire d’azote-soufre
  • La pulvérisation d’azote foliaire peut contribuer au maintien ou au développement de l’enherbement permanent au vignoble. La présence de l’enherbement induit une concurrence avec la vigne pour l’azote. Cela peut se traduire par une carence en azote dans les moûts qui est préjudiciable à l’expression de fraîcheur aromatique des vins.

Quelle quantité d’azote foliaire apporter ?

La quantité d’azote et de soufre à apporter est à adapter au niveau de la vigueur de la vigne et de la carence du moût en azote assimilable. Il est ainsi important de connaitre le niveau en azote assimilable de son moût afin de raisonner et de maitriser les apports. Afin d’éviter la réduction des vins au cours de la vinification, les apports de soufre doivent être limités à ½ fois la dose d’azote. Le tableau suivant peut servir d’outil d’aide à la décision. L’IFV Sud-Ouest vient de mettre en ligne un formulaire de calcul permettant de fournir des préconisations d’apports et de calculer les quantités de produits nécessaires.

Teneur en azote assimilable des moûts<[80 mg/l][80-150 mg/l]>[150 mg/l]
CarencéMoyennement carencéNon carencé
Apport foliaire d'azote préconisé15-20 kg N/ha10-15 kg N/ha10 kg N/ha
Apport foliaire de soufre préconisé5-10 kg S/ha5-7 kg S/ha3-5 kg S/ha

Elémentaire ou sulfate : quelle forme de soufre associer aux apports d’azote?

La principale forme de soufre utilisée en fertilisation au champ est le sulfate (SO4), généralement d’ammoniaque ou de potasse car il s’agit de la forme ionique la plus assimilable par  les plantes. L’IFV Sud-Ouest a cherché à comparer l’efficacité des associations urée-soufre en fonction de la forme chimique de l’élément soufre. Cette comparaison, répétée sur 3 millésimes à dose équivalente, a porté sur 4 variantes : un témoin non traité, une pulvérisation d’urée, une pulvérisation d’urée associée à un sulfate et une pulvérisation d’urée associée à un soufre élémentaire. Les résultats obtenus avec l’association urée+sulfate ne se distinguent pas de ceux obtenus avec la pulvérisation d’urée seule. En revanche l’association urée+soufre élémentaire montre des gains en thiols variétaux dans les vins bien supérieurs. A la dégustation, les plus fortes différences sont perçues avec les vins issus des fertilisations urée+soufre élémentaire. L’association urée+sulfate n’est jamais distinguée de la fertilisation uréique seule. Pour surexprimer les thiols variétaux dans les vins, il est ainsi préférable d’associer urée et soufre élémentaire pour une efficacité optimisée.

La pulvérisation foliaire modifie-t-elle le ratio azote ammoniacal / azote assimilable des raisins et des moûts ?

Nous avons comparé sur un réseau de 15 parcelles expérimentales la composition des moûts à travers le ratio azote ammoniacal /azote assimilable. L’azote assimilable est établi par la somme des dosages de l’azote ammoniacal (méthode enzymatique) et de l’azote aminé (méthode NOPA). Aucune différence significative n’a pu être observée : pour des apports de 10 kg N/ha, la proportion d’azote ammoniacal est cependant légèrement supérieure au témoin (5% en moyenne) ; par contre pour des apports de 20 kg/ha elle est légèrement inférieure (8% en moyenne). Dans nos conditions, la pulvérisation foliaire d’urée à véraison n’a pas modifié le ratio azote ammoniacal / azote assimilable des raisins à la récolte.

Comment réaliser une pulvérisation d’azote foliaire à la véraison ?

La mise en œuvre conditionne l’efficacité de la technique. Cette technique doit être considérée comme un passage spécifique avec des réglages adaptés de pulvérisation.

Les opérationsLa mise en oeuvreQuelques précisions
Fractionner les apports en 25 à 10 kg par hectare et par passageLe fractionnement et le mouillage permettent une meilleure assimilation de l’azote et de limiter le risque de brûlure.
Mouiller le feuillage200 à 400 litres par hectare
TraiterLorsque la véraison est engagée (20%) puis 7 à 10 jours après.Un passage trop précoce aura une action fertilisante pour la plante mais sera moins efficace pour augmenter l’azote du moût.
Associer l’azote et le soufrePour chaque passagePas de contre-indication au mélange.

Quels sont les produits testés par l’IFV Sud-Ouest ?

La forme d’azote la plus directement assimilable par la plante est l’urée. Voici les produits qui ont été testés par l’IFV Sud-Ouest :

  • Perlurée 46% (N)
  • Folur (N)
  • Safe-N 300 (N)
  • Azofol SR (N)

La forme de soufre efficace pour, au final, produire des thiols dans les vins est la forme élémentaire. Voici les produits qui ont été testés par l’IFV:

  • Microthiol (S)
  • Heliosoufre (S)

Ces produits ont présenté un effet significatif, dans nos conditions, pour améliorer la concentration en azote des moûts et pour produire des vins plus aromatiques.

N : fertilisant azoté ; S : produit à base de soufre

Quel est le coût d’une pulvérisation d’azote foliaire à la véraison ?

Les spécialités présentes sur le marché ont un coût d’environ 10 € HT par unité fertilisante et par hectare de vigne. L’urée classique (perlurée 46%) a un coût d’environ 2 € HT dans les mêmes conditions. (source : Le Coût des Fournitures en Viticulture et Œnologie ). Malgré leur coût, les produits formulés présentent des garanties d’assurance qualité : teneur en urée, teneur faible en biuret, présence d’oligo-éléments complémentaires, correcteur d’acidité…

Quels peuvent être les effets secondaires d’une pulvérisation d’azote foliaire à la véraison ?

L’utilisation de l’azote doit être raisonnée afin de limiter les effets secondaires :

  • le risque de brûlure existe en raison de l’effet combiné de la chaleur et de la phyto-toxicité de l’urée et du biuret
  • nous n’avons pas noté d’augmentation de vigueur, ni d’augmentation du niveau de pourriture lié au Botrytis cinerea. Cependant sur cépages sensibles et sur raisins altérés, des baies plus riches en azote favoriseront un développement plus rapide du champignon si celui-ci est présent.
  • la présence d’urée dans le moût peut conduire dans certaines conditions à la présence de carbamate d’éthyle dans les vins. Ce n’est pas le cas de nos essais où aucune différence n’a pu être observée entre la modalité traitée et le témoin
  • une pulvérisation d’azote foliaire n’entraîne pas d’augmentation dans les vins de la teneur en protéine instable, les vins témoin et traité se situant dans la même gamme d’instabilité protéique

Azote foliaire ou sulfate d’ammonium au chai ?

Pour assurer une bonne fermentation du moût, l’ajout d’azote au chai est suffisant en recherchant un niveau d’environ 120-140mg/l et en maitrisant les bonnes pratiques (levure, aération, température). Pour optimiser le profil aromatique de son vin, l’azote du moût acquis à la vigne (naturellement ou par pulvérisation foliaire) donne de meilleurs résultats qu’un même niveau apporté au chai. L’azote ammoniacal apporté au chai est sans effet sur la production de thiols variétaux en vinification. L’azote ammoniacal apporté au chai conduit à des niveaux d’acétate d’alcools supérieurs et d’esters éthyliques supérieurs à un vin témoin non supplémenté. Les apports d’azote ou d’azote-soufre en foliaire sur vigne et de sulfate d’ammonium sur moût en cuve peuvent être complémentaires et doivent être raisonnés comme une étape de l’itinéraire de production. Les choix doivent s’effectuer en fonction du produit recherché.

Les pulvérisation d’azote foliaire ont-elles un intérêt en vinification en rouge ?

Si l’intérêt des pulvérisations d’azote foliaire n’est plus à démontrer sur cépages rouges dans le cadre de vinifications en rosé, la technique ne s’est pas avérée concluante pour les vins rouges. Dans le cadre du projet VINAROMAS, outre le gain en azote des moûts les pulvérisations, en favorisant l’assimilation du potassium, ont provoqué une baisse de l’acidité des vins associée sur la variété Carignan à une augmentation de la teneur en sucre. Une baisse significative de quelques points a également été observée sur l’IPT des vins. D’un point de vue aromatique, dans notre essai, les effets induits par la technique demeurent très limités : aucune modification de la teneur en thiols variétaux et un gain très limité en esters et acétates (succinate de diéthyle, butanoate d’éthyle, acétate de butyle et acétate d’éthyle). Ce résultat est vraisemblablement à mettre en relation avec les conditions oenologiques particulières de la vinification en rouge mise en oeuvre au cours de ce travail (macération, turbidité, température) qui semblent défavorables à la formation de ces molécules aromatiques. Cet effet mineur sur la composition aromatique des vins est de plus confirmé à travers l’analyse sensorielle. Ainsi, dans nos conditions et sur ces deux cépages, la pulvérisation foliaire d’azote à véraison n’a pas présenté d’intérêt technique évident.

Quelles sont les perspectives d’étude ?

PerspectivesEtudes en cours
Peut-on prédire de manière précoce la qualité azotée du moût à la récolte ?Recherche de capteurs pertinents
D’autres formes d’azotes apportées au chai peuvent elles modifier le profil aromatique de mon vin ?Utilisation d’azote d’origine aminée en vinification

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