LA ROTUNDONE

La rotundone est la molécule responsable des arômes poivrés des vins de Syrah. Elle a été mise en évidence dans ce cépage en 2008. Depuis 2011, l’IFV Sud-Ouest étudie les facteurs viticoles impactant les concentrations en rotundone dans les vins de Duras de l’AOP Gaillac.

Qu’est-ce que la rotundone et quels sont les descripteurs associés ?

La rotundone est un composé aromatique de la famille des sesquiterpènes, terpènes formés de 3 unités isoprènes et de formule moléculaire C15H24O. Les études réalisées depuis 2008 par l’AWRI, ont permis de mettre en évidence, dans les vins de Syrah, une forte corrélation entre la perception poivrée ressentie à l’analyse sensorielle par les dégustateurs et la teneur en rotundone dosée dans les vins. Les seuils de détection pour la molécule ont été établis dans l’eau à 8 ng /l et dans le vin rouge à 16 ng/l. Ces seuils très bas, du même ordre de grandeur que d’autres composés aromatiques comme l’IBMP (responsable des arômes de poivrons verts) ou les thiols variétaux (responsable des arômes de pamplemousse et de fruit de la passion), illustrent bien le caractère très odorant de cette molécule. Les descripteurs aromatiques fréquemment associés à la rotundone sont le poivre blanc et noir. Des études sensorielles ont montré qu’environ 20% de la population possèdait une anosmie à cette molécule et était par conséquent incapable de la sentir même à des concentrations très élevées (4000 ng/l).

Dans quels cépages retrouve-t-on la rotundone ?

La rotundone participent aux notes épicées d’un nombre important de vins rouges. Cette molécule, encore peu étudiée, a été mise en évidence pour la première fois en 2008, par l’AWRI, dans les vins de Syrah. En 2011, une équipe de recherche italienne de l’Université de Bologne et de Milan a également pu doser la rotundone à des teneurs conséquentes dans les vins rouges de Schioppettino, de Vespolina et de Groppello di Revò. Ce groupe de recherche a également retrouvé la molécule dans les les vins blancs de Grüener Veltliner, cépage bien représenté dans le nord de l’Italie et en Autriche où il représente 1/3 de l’encépagement. Des études récentes menées par le pôle Sud-Ouest de l’IFV en collaboration avec l’AWRI, ont également permis de mettre en évidence la présence de rotundone dans les vins rouges de Gamay (jusqu’à 140 ng/L), de Prunelard (90 ng/L), de Négrette (28 ng/L), de Pineau d’Aunis (jusqu’à 200 ng/L), de Morrastel ou Graciano de La Rioja (de 15 à 16 ng/L). Plus récemment, d’autres analyses ont confirmé sa présence dans des vins rouges de Mondeuse de Savoie (62 ng/L), de Castets ou Maturana Tinta de la Rioja (50 ng/L), de Fer Servadou de Marcillac (18 ng/L), d’Arani, le cépage emblématique arménien (68 ng/L) et de Pinot Noir (28 ng/L). Une étude américaine a également démontré en 2014 que la rotundone était un contributeur clé à l’arôme des bourbons et autres spiritueux.

Et dans les vins de Duras ?

La rotundone est également responsable des arômes poivrés observés dans les vins de Duras N. Ce cépage, qui représente près de 1000 ha de vignoble au sein de l’appellation Gaillac, s’avère être du fait de la régularité de sa production en rotundone, un candidat idéal pour mener à bien des études sur l’arôme poivré des vins rouges. La plus faible concentration enregistrée dans un vin de Duras est de 26 ng/l alors que la valeur la plus élevée atteint le niveau record de 240 ng/l.

Quels sont les facteurs viticoles influençant la teneur des vins en rotundone ?

D’après les études menées par l’AWRI, la teneur en rotundone augmente à partir de la véraison et au cours de la maturation pour atteindre son maximum à la récolte. Sur cépage Duras, les travaux menés par l’IFV Sud-Ouest entre 2011 et 2012, ont mis en évidence que la cinétique d’accumulation pouvait varier en fonction du millésime et qu’il était préférable sous nos latitudes, d’attendre au moins le stade mi-véraison + 44 jours afin de favoriser les notes poivrées dans les vins. Nos essais ont également permis de mettre en évidence que l’effeuillage à travers notamment la température de surface des raisins pénalisait les concentrations en rotundone dans les vins (-69% en 2011 et -53% en 2012). A l’opposé, les vins issus d’une modalité irriguée présentaient des teneurs supérieures (+29% en 2011 et +38% en 2012). L’éclaircissage a quant à lui, été sans effet. D’une manière générale, le niveau de contrainte hydrique en fin de cycle semble être un paramètre clé pour expliquer les différences de concentration en rotundone entre les millésimes et au sein d’une même parcelle, les raisins issus des pieds les moins stressés étant les plus pourvus en rotundone. Dans ce contexte, il peut s’avérer problématique de produire en conditions climatiques océaniques, des vins combinant richesse en polyphénols et en rotundone. Les expérimentations menées par le pôle Sud-Ouest de l’IFV ont montré que la technique du Passerilage sur Souche ou PES pouvait être utilisée à cette fin. Un effet clone a été mis en évidence récemment sur Duras par l’IFV Sud-Ouest en 2013 et 2014. Pour les deux millésimes d’étude, les concentrations en rotundone ont été significativement supérieures dans les vins des clones 554 et 654 en comparaison avec le clone 555 alors que le clone 627 a présenté un niveau intermédiaire. Dans le cadre de cette même étude, il a été démontré que les réactions de défense de la vigne vis-à-vis de l’oïdium étaient susceptibles d’induire la production de rotundone dans la baie.

Et oenologiques ?

La rotundone a été détectée dans la pellicule des raisins sans être retrouvée dans la pulpe et les pépins, ce qui possède d’importances implications oenologiques. De plus, il s’agit d’une molécule très hydrophobe qui est extraite en cours de macération sous l’effet croissant de l’éthanol. Selon une étude italienne, les taux de transfert raisin-moût en fermentation et raisin-vin sont respectivement de 10 et 6%. D’autres études ont montré que la majorité de la rotundone était extraite entre le 2ème et le 5ème jour de vinification. Toutes les techniques œnologiques et paramètres de fermentation (durée de la macération, T°C, fréquence des remontages..) favorables à la macération vont a priori favoriser son extraction et sa diffusion dans le moût et dans le vin. Filtration et collage sont des pratiques qui pénalisent les concentrations dans les vins. La molécule est très stable et n’est pas « scalpée » par l’obturateur.

Quelle acceptation des arômes poivrés par les consommateurs ?

Dans le cadre d’un projet mené avec la Fédération Viticole du Puy de Dôme et financé par FranceAgrimer et la Région Auvergne visant à étudier la typicité des vins de Gamay des Côtes d’Auvergne, deux études consommateurs ont été réalisées par l’IFV Sud-Ouest à Clermont-Ferrand et à Paris. Les résultats de cette étude sont très enrichissants et mettent en évidence que le groupe de consommateurs qui apprécient les arômes poivrés/épicés des vins de Gamay est essentiellement composé de cadres et de consommateurs possèdant un « budget vin »élevé. Une forte opposition a également pu être mise en évidence entre les consommateurs préférant les notes poivrées et amyliques.

Quelles sont les autres études menées par l’IFV Sud-Ouest ?

La recherche sur les facteurs viticoles impactant les arômes poivrés dans les vins de Duras et d’autres cépages progresse à vive allure mais beaucoup de questionnements restent en suspens et font actuellement l’objet d’études. Quels sont les principaux facteurs viticoles pouvant expliquer les concentrations en rotundone au sein d’un réseau de parcelles de Duras du Gaillacois ? Quel est l’impact des techniques de vinification sur la teneur en rotundone des vins ? Comment favoriser les notes poivrées de la Syrah en zone méditérannéenne ? Comment favoriser les notes poivrés du Fer Servadou de l’AOP Marcillac au détriment des notes végétales ? Quel est le seuil de rejet de la rotundone dans les vins rouges de Duras ?

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