LA STABILISATION TARTRIQUE DES VINS

Connue depuis toujours, la précipitation de tartre est un phénomène largement rejeté par le consommateur. La précipitation tartrique demeure le principal problème de dépôts dans les vins.

Pourquoi y a-t-il des précipitations tartriques dans le vin ?

L’acide tartrique sous sa forme TH- réagit avec le potassium pour donner du tartrate de potassium (KHT), et sous sa forme T2- avec le calcium pour donner du tartrate neutre de calcium (CaT). Ces sels ont des solubilités qui leur sont propres, variables selon la température notamment. Si les teneurs en KHT ou en CaT sont supérieures à la solubilité limite à une température donnée, il y a risque de « précipitations ». Cette expression est abusivement employée, car l’apparition de tartrate de potassium solide n’est pas le résultat d’une réaction chimique mais d’une cristallisation liée seulement à cet état de sursaturation.

Quels peuvent être les différents états du bitartrate de potassium dans les vins ?

3 situations peuvent être rencontrées en oenologie :

  • Zone I, le vin est stable pour des températures élevées et/ou des teneurs basses en KHT. Il n’y a pas de risque de précipitations et le vin peut dissoudre des sels de KHT. Pour une valeur de KHT donnée, la température de saturation (valeur de température d’intersection avec la courbe de saturation A) désigne la tempéra-ture à partir de laquelle un vin peut dissoudre du KHT
  • Zone II, entre les courbes A et B, il y a risque de précipitation : c’est la zone métastable. Si des micro-cristaux existent, ils grossissent. Il s’agit de la sursaturation. La courbe A est bien connue mais la B dépend notamment de la charge colloïdale du vin. Les polyphénols comme les mannoprotéines sont des inhibiteurs de la cristallisation. Ils n’empêchent pas la nucléation des cristaux mais bloquent leur croissance
  • Zone III, au-dessus de la courbe B, en zone labile, il y a toujours précipitation de KHT

Etats du bitartrate dans les vins (source Connaissance et travail du vin ; Blouin-Peynaud)

Comment évaluer le risque de précipitations tartriques au laboratoire ?

  • par des essais de tenue au froid en simulant dans des conditions standardisées les conditions de cristallisation en surveillant l’apparition de cristaux. Dans la pratique : 1 jour à -18°C, 4 jours à – 4°C ou 28 jours à 0°C
  • par des essais de traitement au laboratoire de type Mini-contact. Ce test consiste à soumettre le vin, après ajout de 4 g/l de KHT à une température de – 4°C pendant une heure avec agitation permanente. On peut ainsi apprécier l’augmentation de la masse de KHT cristallisé par rapport aux 4 g/l ajoutés. Cette méthode nécessite du matériel de laboratoire adapté (Stabisat ou Stabilab) qui représente un investissement de 10-12 000 €
  • par des mesures de la Tsat (température à partir de laquelle un vin peut dissou-dre un excès de KHT) qui peuvent être réalisées par la méthode de Maujean (variation de la conductivité à 20 ou 25°C après ajout d’un excès de KHT) ou à l’aide du Stabisat (cinétique de variation de conductivité en présence d’excès de KHT). On obtient une réponse en 15 minutes environ. On considère qu’un vin rouge est stable lorsque 18<Tsat<21°C, et un vin blanc ou rosé lorsque 12<Tsat<15°C
  • par des calculs. C’est le cas du logiciel Mextar® qui permet de calculer l’état de sursaturation du vin vis à vis de KHT et de CaT, et la température de sursatura-tion à partir d’analyses de base (TAV, AT, pH, TH2, K, Ca). Dans ces calculs, Mextar® ne prend pas en compte la présence d’inhibiteurs comme les poly-phénols. Le coût d’achat de Mextar® est de 1000 € environ
  • par des mesures de DIT ou Degré d’Instabilité Tartrique : il s’agit d’un test cryoci-nétique développé par l’INRA. L’échantillon est placé dans les conditions les plus favorables à la cristallisation ; le suivi de la conductivité dans le temps permet de calculer, par modélisation, la conductivité à l’infini. L’expression en % de la différence entre la conducctivité initiale et celle calculée à l’infini donne la valeur du DIT. Forte instabilité pour DIT>20%

Quels sont les facteurs influant sur les précipitations tartriques ?

  • la température bien sûr qui influe sur la constante de solubilité. Plus la tempéra-ture diminue et plus la solubilité diminue
  • la teneur en alcool ou TAV. Pendant la fermentation alcoolique on peut assister à de fortes précipitations tartriques par diminution de la solubilité du KHT
  • il existe des inhibiteurs comme les polyphénols, les colloïdes, les polysaccha-rides et les mannoprotéines libérés par les parois de la levure. Ces inhibiteurs ont un rôle complexe et souvent empêche la croissance des cristaux sans toutefois bloquer leur nucléation

Comment préparer le vin à un procédé aboutissant à sa stabilisation tartrique ?

Bien souvent un hiver froid, un élevage long sur lies suffisent à assurer la stabilisation tartrique du vin. Cependant, la plupart du temps une intervention doit être envisagée. Il est alors crucial, avant de procéder à tout traitement de stabilisation et surtout avec les procédés physiques:

  • d’assembler les vins au préalable. Même si 2 vins sont stables séparément, le mélange ultérieur peut s’avérer instable
  • le vin à traiter doit être bien clarifié par collages et/ou filtration afin d’éliminer les colloïdes du vin qui possèdent un effet retardateur

NB : c’est pour ces raisons que la stabilisation tartrique s’inscrit en bout de process d’élevage des vins et juste avant l’éventuelle filtration finale et la mise en bouteille.

Quels sont les différents procédés physiques de stabilisation tartrique ?

  • stabulation à froid : le vin est refroidi à la limite de la congélation vers -4°C, puis maintenu à cette température pendant une semaine environ avant d’être filtré à froid. On améliore l’efficacité du traitement en ajoutant des cristaux de KHT broyés (20 g/hl). Ce procédé peut entraîner une dissolution d’O2 importante non souhaitable pour les vins blancs et rosés s’il est mal maîtrisé
  • procédé par contact : le vin est refroidi vers 0°C et est additionné d’environ 400 g/hl de KHT puis est maintenu sous agitation pendant 4 à 8h. En étant placé en très forte saturation, le KHT précipite jusqu’à stabilité finale. Il s’agit d’un procédé rapide mais qui requiert des durées supérieures pour les rouges (rôle des poly-phénols). Le coût d’achat du KHT est élevé mais il y a possibilité de le recycler
  • la stabilisation tartrique membranaire ou électrodialyse : elle élimine sélective-ment les ions K+, Ca2+ et tartrate par passage du vin sur des membranes élec-triquement chargées. La conductivité électrique suivie en continue, diminue alors de 7 à 25% selon les vins et l’intensité du traitement. Sans effet sur les autres constituants du vin, l’électrodyalise entraîne une légère diminution du pH de l’ordre de 0,1 à 0,15 unité. Le coût de cette technique peut être estimé à 4-6 €/hl

La stabilisation tartrique par des inhibiteurs ?

  • l’acide métartrique : il s’agit d’un polyester résultant de l’estérification intermo-léculaire de l’acide tartrique au taux de 40% minimum. Il est utilisable à la dose maximale de 10 g/hl. Il agit en s’opposant au grossissement des germes submi-croscopiques qui constituent le point de départ de la formation des cristaux. Il s’agit d’un produit qui n’est pas stable dans le temps, qui s’hydrolyse rapidement en fonction de la température. La stabilité d’un vin traité est considérée comme acquise pendant 2 ans à 10-12°C, 3 mois à 20°C et une semaine à 30°C, ce qui limite son emploi à des vins jeunes qui doivent être consommés dans l’année. Son coût d’utilisation est faible et de l’ordre de 0,06 à 0,09 €/hl
  • les mannoprotéines : il est connu que l’élevage sur lies pendant des mois confère une stabilité tartrique naturelle au vin. Les mannoprotéines (protéines associées au manose) libérées par les parois des levures possèdent un réel effet inhibiteur sur les précipitations tartriques. Il existe actuellement sur le marché 2 spéciali-tés commerciales (Mannostab™ et Claristar™). Ces spécialités, entièrement neutres d’un point de vue organoleptique s’utilisent avant ou après filtration à des doses variant de 10 à 40 g/hl de vin (spécialité solide) et de 1 à 1,25 litres / 10 hl de vin (spécialité liquide). La dose précise doit être déterminée par des essais préalables. Leur coût d’utilisation demeure assez élevé et revient environ à 6-8 €/hl
  • les CMC ou carboxyméthylcellulose : ces produits dérivés de la cellulose et utilisés depuis des années en agroalimentaire pour augmenter la viscosité, bloquent complètement les précipitations tartriques à des doses très faibles (de 2 à 5 g/hl) soit 1/200 ème des doses maximales utilisées en agroalimentaire. Il s’agit d’un produit stable dans le temps au coût de revient modique et qui est autorisé sur vins blancs, rosés et rouges depuis août 2009

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