LE PHYLLOXERA

Originaire de l’Est des Etats-Unis, le Phylloxera est un insecte piqueur apparenté aux pucerons. Il fut signalé pour la première fois en France en 1863. Au 19ème siècle, le Phylloxera eut une importance économique et sociale dramatique sur la viticulture française et européenne, qui fut dévastée et qui dut intégralement se reconstruire. Le Phylloxera a aujourd’hui colonisé presque tous les vignobles du monde.

« L’histoire de l’Agriculture ne nous a conservé, à aucun moment et pour aucune autre plante cultivée, le souvenir d’une crise aussi grave que celle traversée par les vignes de l’ancien continent lorsqu’elles furent envahies par le Phylloxéra » Gustave Foex, 1900.

Quels sont les symptômes du Phylloxera sur les feuilles ?

La nuisibilité du Phylloxera par prélèvement de sève est faible, par contre la réaction des tissus de la vigne à la piqûre du puceron est à l’origine de troubles importants. Sur la partie inférieure du limbe, la piqûre de Phylloxera provoque, par prolifération et épaississement des tissus, la formation de galles qui contiennent des poils épaissis, l’insecte et ses oeufs. En sortant de ces galles, les larves peuvent former de nouvelles galles. Les variétés américaines, en particulier V. riparia et V. berlandieri, sont particulièrement réactives et sensibles aux symptômes foliaires. Ces symptômes explosent sur ces variétés au mois de juillet où les galles phylloxériques finissent par envahir l’ensemble du limbe. Ces galles, en compromettant le potentiel photosynthétique, induisent une diminution de l’accumulation des sucres dans les baies, sans importance notable sur porte-greffes et cépages hybrides. Par contre, elles peuvent s’avérer préjudiciables à la constitution des réserves dans les bois, ce qui peut nuire à la qualité des porte-greffes issus des vignes-mères en cas de forte attaque. Il n’existe pas d’insecticide homologué spécifiquement pour la lutte contre le phylloxera, mais la plupart des spécialités employées contre la cicadelle vectrice de la flavescence dorée (traitements obligatoires en pépinières et vignes-mères) possèdent une action sur le puceron, qui permet dans la majorité des cas de réduire les dégâts à un niveau peu préjudiciable. Sur V. vinifera, la réaction de la plante est bien plus faible et les galles, rarement observables, restent très petites, renferment moins de ponte et présentent un développement ralenti.

Quels sont les symptômes du Phylloxera sur les racines ?

Sur V. vinifera, les symptômes de Phylloxera se présentent sous la forme de nodosités et de tubérosités. La grande sensibilité racinaire de l’espèce est la cause principale de l’éradication fulgurante du vignoble européen, alors cultivé franc de pied, à la fin du 19 ème siècle. Les nodosités sont la conséquence de la piqûre du Phylloxera sur l’extrémité des radicelles en pleine croissance. A l’endroit de la piqûre, la croissance s’arrête pendant que les tissus avoisinants profilèrent. La structure formée prend une forme en crochet ou en bec d’oiseau, et les radicelles ne peuvent plus assurer leur fonction d’absorption. Les tubérosités se forment sur les racines importantes (> 5 mm de diamètre). Si le nombre d’insectes est élevé, l’assise génératrice peut être atteinte et provoquer des bosses et des irrégularités à la surface des racines. Les nécroses, en se développant sous le périderme, peuvent laisser la porte ouverte à des micro-organismes responsables de la pourriture, ce qui conduit rapidement à la mort du cep. Les variétés américaines réagissent différemment. Certaines ne sont pas attaquées mais la plupart d’entre-elles sont tolérantes et permettent au Phylloxera de s’installer et se développer sans provoquer la mort du cep. Les variétés hybrides possèdent une sensibilité intermédiaire.

Quelle est la biologie du Phylloxera ?

Le Phylloxera possède un cycle biologique complexe. Il existe deux types de femelles parthénogénétiques non ailées se développant à partir de gamètes femelles non fécondés :

  • le Phylloxera gallicole qui se développe sur le feuillage. Chaque femelle pond environ 600 œufs d’où sortent des larves, qui après 4 mues, se transformeront en adulte à l’origine d’un nouveau cycle pouvant se répéter sur plusieurs générations. Alors que les premières générations restent gallicoles, certaines larves des générations suivantes peuvent migrer vers les racines et avoir une descendance radicicole. Ces larves sont alors dites « néogallicoles radicicoles ».
  • le Phylloxera radicicole qui se développe sur les racines. Les femelles pondent de 40 à 100 œufs à l’origine de larves, d’adultes et de nouvelles générations pouvant se poursuivre indéfiniment. Certaines larves du premier stade peuvent hiberner et reprendre une activité au printemps.
    En été, certaines femelles subissent une mue supplémentaire et se transforment en nymphes, elle-même à l’origine de Phylloxeras ailés. Les œufs de ces Phylloxera pondus sur les parties aériennes de la vigne donneront naissance à des mâles et à des femelles. Ces derniers ne vivent que quelques jours, le temps de s’accoupler et de produire un œuf d’hiver. De cet œuf éclora une femelle fondatrice, à l’origine des premières galles sur feuillage au printemps suivant. Il existe une diversité importante dans l’espèce et les biotypes observés sont caractérisés par des niveaux d’agressivité différents.

Quelles sont les méthodes de lutte contre le Phylloxera ?

  • lutte chimique : historiquement la lutte contre le Phylloxera a débuté par l’injection au niveau des racines de substances chimiques non toxiques pour la vigne comme le sulfure de carbone. Longue, onéreuse et peu efficace sur les racines profondes, cette technique a néanmoins permis d’assurer la survie de certains vignobles en attendant l’arrivée de nouvelles méthodes de lutte. Afin de détruire les œufs d’hiver, certains badigeonnaient les souches avec un mélange d’eau, de chaux vive, de naphtalène brute et d’huile lourde de houille
  • par des méthodes culturales : par submersion du vignoble en asphyxiant l’insecte, ou par culture de la vigne dans des sols sablonneux. Ce type de culture est encore utilisé sur le littoral méditerranéen comme c’est le cas au Domaine de l’Espiguette, implanté dans du sable pur
  • par l’utilisation d’hybrides producteurs directs ou de porte-greffes, issus d’espèces américaines et résistants au Phylloxera. Les hybrides, qui occupaient près de 30% de l’encépagement français dans la première partie du 20 ème siècle, ont été remplacés, en raison de la qualité médiocre de leurs vins, par des V. vinifera greffés sur des porte-greffes résistants. Cette solution représente le premier exemple d’une lutte génétique couronnée de succès contre un parasite des cultures

De par la généralisation du greffage, dont le développement a également permis de disposer d’une gamme de porte-greffes adaptés à la culture dans de nombreuses conditions pédo-climatiques, le Phylloxera ne constitue plus aujourd’hui un problème majeur dans nos vignobles. Cependant la récente crise phylloxérique survenue en Californie au début des années 1990 (majoritairement provoquée par l’emploi massif d’un porte-greffe insuffisamment résistant au parasite, l’Aramon-rupestris Ganzin n°1), ainsi que la présence parfois importante de la forme gallicole sur V. vinifera dans certains vignobles, nous rappelle qu’il faut rester vigilants.

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POUR EN SAVOIR PLUS

Livres à consulter
  • Ravageurs de la vigne aux Editions Ferret
  • le Phylloxera, une guerre de trente ans de Gilbert Garrier (Edition Albin Michel)
  • Histoire de la lutte contre le Phylloxera en France de René Pouget.
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