BRETTANOMYCES

Odeurs animales désagréables d’encre, de cuir, d’écurie, de sueur ou d’urine de cheval dans un vin, l’organisme responsable est souvent une levure du genre Brettanomyces.

Quelles sont les caractéristiques des levures Brettanomyces ?

Même si certaines bactéries lactiques seraient capables de produire ces odeurs d’écurie de manière marginale et dans des proportions minimes, le principal micro-organisme responsable est une levure du genre Brettanomyces. Brettanomyces est relativement résistante à l’alcool et à des pH bas. Dans la majorité des cas elle et sensible au SO2, mais des études récentes ont montré que certaine souche étaient particulièrement résistante au SO2. Les levures Brettanomyces sont de petite taille comparées à Saccharomyces cerevisiae. Elles sont considérées comme des levures de contamination, mais la présence de Brettanomyces dans le vignoble, sur le raisin, ne semble pas être la source de contamination des vins comme la montrée les études réalisé par l’IFV.

Quelles sont les molécules responsables de ces odeurs dites « phénolées » ?

Les molécules responsables sont les phénols volatils. Ils sont produits à partir des acides phénols (acide p-coumarique, férulique et caféique) présents dans le raisin et des vinyl-phénols sous l’action d’enzymes propres à Brettanomyces bruxellensis et à sa forme sporulante Dekkera bruxellensis : la vinyl-phénol réductase

4-éthyl-phénol (a) stable dans le temps, à odeur d’écurie, au seuil de perception de 500 μg/l dans le vin. Dans les vins contaminés, on retrouve en général 10 fois plus de 4-éthyl-phénol que de 4-éthyl-gaïacol.

4-éthyl-gaïacol (b) stable dans le temps, à odeur de clou de girofle, au seuil de perception de 100 μg /l dans le vin.

4-éthyl-catéchol (c) à odeur fumée, camphrée.

Vignoble ou chai : quelle est l’origine des Brettanomyces ?

Entre 2006 et 2008, l’IFV a mené une étude afin de mieux cerner les origines des contaminations par Brettanomyces en s’appuyant sur la différentiation génétique par PCR des souches de Brettanomyces bruxellensis présentes sur le raisin par rapport à celles isolées dans les vins issus de ces raisins. Les résultats ont montré que les souches isolées sur grappes sont génétiquement différentes de celles retrouvées dans le vin. Ces observations vont dans le sens d’une origine associée au chai de vinification et tendent à minimiser les risques supposés liés aux Brettanomyces présentent sur le raisin. En complément, jusqu’à 8 génotypes différents ont pu être retrouvés dans le même vin avec 1 à 3 génotypes majoritaires représentant jusqu’à 80% des populations.

Quelles sont les situations favorisant le développement de Brettanomyces ?

Brettanomyces est une levure très répandue, présente dans les chais dans les endroits mal nettoyés (caniveaux, robinets..) et parfois sur les raisins. L’absence totale n’est pas forcément recherchée, seuls importent le niveau de contamination et les moyens de maîtrise. Parmi les facteurs aggravants nous pouvons citer :

  • un moût ou un vin riche en acides phénols, précurseurs des éthyl-phénols
  • une hygiène mal maîtrisée
  • la présence de sucre résiduel, lors de fins de fermentations difficiles
  • des teneurs en SO2 faibles
  • l’élevage en barrique et une mauvaise désinfection des fûts

Quelles sont les mesures préventives à mettre en place afin de limiter les risques ?

  • Maintenir une bonne hygiène générale du chai en conciliant nettoyage et désinfection. Ne pas négliger barriques, pompes et tuyaux
  • Maintenir un niveau de SO2 suffisant. Selon plusieurs auteurs, 0.6 mg/l de SO2 actif permettrait d’inhiber les Brettanomyces. A 20°C, pH=3,5, 12%vol., 24 mg/ de SO2 libre sont ainsi nécessaires pour atteindre ce seuil. Pour calculer le SO2 actif de votre vin utilisez le formulaire de calcul suivant
  • Éviter de vendanger des raisins trop mûrs. Les pH élevés favorisent le développement des micro-organismes et diminuent la proportion de SO2 actif
  • Travailler dans un domaine de température raisonnable, le développement des Brettanomyces est moindre à faible température. La température conditionne aussi l’efficacité du SO2
  • Utiliser des enzymes FCE pour l’extraction et le débourbage, sans cinnamyl esterase. L’IFV Bourgogne a montré que l’emploi d’enzymes avec activité cinnamyl esterase pouvait favoriser l’apparition de précurseur d’éthyl phénol
  • Utiliser des LSA et des bactéries lactiques car cet usage permet de limiter les phases de latence
  • Analyser fréquemment les vins à risque par des recherches de Brettanomyces avant l’apparition des phénols volatils

Comment analyser les vins à la recherche de Brettanomyces ?

La détection des Brettanomyces peut se faire de différentes manières :

  • par culture sur milieu gélosé sélectif (la flore est composée à 99% de Brettanomyces). Il s’agit de la méthode la moins coûteuse (15 à 20 € TTC par échantillon) mais le délai de lecture est d’environ 9 jours
    par PCR en biologie moléculaire. Cette technique plus couteuse permet d’identifier la présence spécifique de Brettanomyces en 48h
  • par dosage des éthyls phénols
  • par cytométrie de flux pour un résultat en 15 min
  • par des kits prêt a l’emploi enrichis en acide p-coumarique. Après ajout du vin à tester et 1 semaine d’incubation, on sent la présence ou non de l’odeur caractéristique de l’éthyl phénol

Ces analyses pourraient être réalisées en préventif tous les 1 à 2 mois, lors des contrôles de la teneur en SO2 pendant l’élevage par exemple, et juste avant la mise en bouteille afin de réaliser éventuellement l’un des traitements décrits ci-dessous.

Quelles sont les mesures permettant de réduire ou d’éliminer les populations de Brettanomyces ?

Si les analyses précédentes ont mis en évidence la présence de Brettanomyces, les mesures suivantes peuvent et doivent être envisagées :

  • flash-pasteurisation
  • filtration stérile
  • emploi de DMDC ou Dicarbonate de diméthyle permet d’éliminer les populations de Brettanomyces. Ce produit vient d’être autorisé par l’Union Européenne sur les vins à plus de 5 g/L de sucre résiduel avant l’embouteillage
  • l’utilisation de chitosane à 4g/hl est autorisée par l’OIV depuis 2009 et l’Union Européenne depuis mars 2011

NB : toutes ces mesures sont des mesures préventives et permettent d’éliminer l’agent producteur des odeurs « phénolés » sans toutefois enlever les molécules responsables. D’une règle générale, lorsqu’on commence à percevoir les odeurs « phénolées », il est déjà trop tard pour intervenir.

Quelle technique permet d’éliminer les molécules responsable des odeurs « phénolées » ?

Depuis 2014, l’OIV a autorisé le traitement des vins par un couplage de technique membranaire et de charbon actif pour réduire un excès de 4-ethylphénol et 4-ethylgaïacol (OIV-Oeno 504-2014). La technique consiste a traiter le vin par nanofiltration pour produire un perméat contenant les phénols volatils indésirable. Ce perméat est traité en continu sur une colonne de charbons actifs qui présente des propriétés désodorisantes puis à réincorporé en continu et en totalité dans la cuve initiale de vin à traiter.

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