LE CUIVRE EN VITICULTURE

Utilisé de manière empirique dès le début du 19ème siècle comme fongicide, le cuivre connait une rapide démocratisation dès l’arrivée du mildiou où il est utilisé sous la forme de bouillie bordelaise. Dès lors, apparait le développement de fongicides cupriques, toujours utilisés dans les vignes de nos jours en raison de leur large spectre d’action et de leur absence de résistance. Mais quand et comment l’utiliser de manière optimale tout en respectant une réglementation qui évolue ?

Quel est le mode d’action du cuivre ?

Le mode d’action du cuivre se décline en plusieurs étapes. La première, primordiale, consiste en sa solubilisation. Celle-ci va dépendre du pH de l’eau apportée par la pluie, en effet plus celui-ci sera acide, meilleure sera sa solubilisation. Il est bon de noter que le pH a un impact plus fort sur le cuivre sous sa forme hydroxyde que sous sa forme sulfate (bouillie bordelaise).
Une fois soluble, sous forme d’ions Cu2+, le cuivre peut se fixer à la surface des spores et exercer son activité fongicide via de multiples sites d’action. En étant adsorbés sur la surface cellulaire, les ions Cu2+ peuvent se substituer aux ions H+, K+, Ca2+ et Mg2+, ce qui permet d’altérer la semi-perméabilité de cette membrane et ainsi faciliter la pénétration du cuivre dans les cellules. Une fois à l’intérieur, les ions Cu2+ se fixent sur les groupements imidazoles, carboxyles, phosphates, amines et hydroxyles, perturbant ainsi le fonctionnement enzymatique et protéique (dénaturation des protéines, dégradation de l’ARN ou modification de la structure de l’ADN) et empêchant ainsi la germination des spores.
Cette multiplicité des sites d’action rend l’apparition de résistance quasi improbable.

La finesse des particules va elle aussi dépendre de la forme de cuivre et de sa formulation et plus celles-ci seront fines, plus le cuivre recouvrera le végétal et persistera.

Le lessivage du cuivre est un phénomène qui est en majeure partie causé par les premiers millimètres de pluie qui éliminent 25 à 40% du cuivre déposé sur le feuillage après 2mm. A partir de 5mm, le taux de cuivre résiduel diminue beaucoup plus lentement pour se stabiliser vers 40% de la dose initiale (Molot, 2009 et Davy, 2012). Il a également été démontré (Molot, 2009) que la dose initiale de cuivre, sa forme, l’intensité de la pluie, le régime des pluies et l’intervalle entre le traitement et la pluie n’ont pas d’influence sur le % de pertes dues au lessivage. Le cuivre lavé par la pluie s’infiltre ensuite dans le sol où il s’accumule dans les premiers centimètres.

Quels sont les risques liés à l’utilisation du cuivre ?

Pour la plante : la phytotoxicité foliaire du cuivre se caractérise par une baisse de la vigueur et des ponctuations noires aux points d’impact sur les feuilles, les grappes et les rameaux. Bien que la vigne soit plutôt peu sensible au cuivre, il est conseillé de faire attention aux organes jeunes et plus sensibles tels que les bourgeons, jeunes feuilles et fleurs. La phytotoxicité racinaire du cuivre est, elle, marquée par un système racinaire extrêmement réduit plus ou moins remontant et une mortalité élevée des plants lors d’une plantation. Il est conseillé de faire un dosage du cuivre du sol (en particulier pour les sols ayant un historique vigne avec des apports de cuivre importants) pour s’assurer que celui-ci n’a pas un long passé de traitement, notamment sur sol sableux et acide.

Pour l’environnement : le cuivre est un métal lourd, non biodégradable, qui s’accumule dans les premières couches du sol (10cm). Il est toxique en milieu aquatique mais peu concerné par le lessivage, en effet 99% du cuivre se fixe sur la matière organique du sol puis sur les oxydes de fer et de manganèse. En cas de fortes teneurs en cuivre, il peut intégrer la structure des feuillets d’argile. Les sols acides rendent cependant le cuivre plus soluble et donc plus toxique pour les racines.

Le cuivre a-t-il d’autres effets ?

Les produits à base de cuivre ont un très large rayon d’action et ont des actions secondaires sur de nombreuses autres maladies de la vigne telles que l’oïdium, le botrytis, la pourriture acide, le black-rot, le brenner, la bactériose, l’anthracnose et l’eutypiose. Il est cependant important de rappeler que le cuivre n’est pas homologué sur ces maladies.

  • Oïdium : freiné par le cuivre durant la saison en empêchant la formation de cléistothèces sur les feuilles et limitant ainsi l’inoculum de l’année suivante.
  • Pourriture acide et botrytis : épaississement et durcissement des pellicules défavorisant l’installation de la maladie par effet mécanique.
  • Black-rot : de nouvelles homologations permettent l’emploi du cuivre contre le black-rot, notamment en agriculture biologique.
  • Bactéricide : le cuivre agit contre la nécrose bactérienne et l’anthracnose en réduisant les facultés d’assimilation des microorganismes.

Il est intéressant de noter qu’en dehors des effets pour lesquels le cuivre est utilisé en viticulture, celui-ci peut avoir des effets qui ne sont pas intentionnels. Même s’il est observé que les composés de cuivre s’éliminent lors des opérations fermentaires, de façon drastique après le foulage (-80% de la teneur), et moindre après la macération (-30%), il a été montré que la quantité de résidus de cuivre dans les baies, directement dépendante des apports de cuivre en vigne, avait un impact négatif sur la formation des thiols variétaux (arômes de pamplemousse, buis et fruit de la passion) durant la fermentation pour les cépages Sauvignon Blanc et Colombard. Un traitement raisonné et visant plutôt le haut du feuillage en fin de saison est donc conseillé si l’on souhaite ne pas altérer le potentiel thiols des raisins.

Comment optimiser l’efficacité du cuivre ?

La formulation du cuivre a un impact sur son adhésivité et sa persistance, notamment en raison de la taille des particules qui diffère. La rapidité d’action du cuivre, directement liée à la vitesse de libération des ions Cu2+, va elle aussi dépendre de la forme du cuivre : l’hydroxyde de cuivre est plus rapidement dissocié que l’oxychlorure et l’oxychlorure que le sulfate de cuivre (bouillie bordelaise). Enfin, il faut veiller lors de l’utilisation de bouillie bordelaise à la neutralité du pH de la préparation ; en effet un pH trop acide peut engendrer une trop forte solubilisation du cuivre et donc un risque de phytotoxicité foliaire.

Quand traiter le mildiou avec du cuivre ?

Toutes les formes de cuivre ont besoin d’eau pour être efficace. Étant lessivable, il est primordial de relever les pluies tombées et de suivre les prévisions météorologiques afin d’appliquer le cuivre en préventif des pluies. Le suivi du risque de contamination, grâce à  la modélisation, au BSV et autres bulletins techniques, est un outil bien plus efficace que le suivi du stade phénologique de la vigne. Classiquement, les renouvellements de traitements se font toujours en prévision des pluies et soit après 15-20mm suivant la dose appliquée, soit après 20cm de pousse même sans pluie pour couvrir les organes néo-formés.

Si les conditions de fin de saison sont favorables au mildiou mosaïque, il est recommandé d’appliquer la préparation de cuivre en évitant la zone des grappes.

Quelle dose et forme de cuivre utiliser contre le mildiou ? Comment optimiser la qualité de pulvérisation ?

La dose de cuivre doit être adaptée à la pression de la maladie et au développement foliaire.

Des essais de la Chambre d’Agriculture 33 (2010-2014) ont montré qu’il n’y avait pas de différence d’efficacité sur le mildiou d’une forme de cuivre à l’autre ou lorsque plusieurs formes sont associées. Un même produit cuprique peut être utilisé toute la campagne dans la limite du nombre d’applications indiqué sur l’étiquette et de 28 kg de cuivre métal répartis sur 7 ans.

D’autres essais menés par l’IFV Blanquefort (2013) ont montré l’importance de positionner le cuivre sur la face inférieure des feuilles. La contamination se fait en effet par les stomates qui se trouvent sur  la face inférieure les feuilles, d’où l’importance d’une qualité de pulvérisation irréprochable.

Quelle est la réglementation en rapport avec le cuivre ?

Depuis 2018, l’utilisation de cuivre métal en agriculture (dont Agriculture Biologique) est limitée à un maximum de 28 kg/ha/7ans. Le nombre d’applications maximum/an varie, elle, selon les produits commerciaux : se référer à l’étiquette. Les EPI deviennent obligatoires pour les travaux à la vigne une fois celle-ci traitée au cuivre (pour les risques d’adsorption par la peau).

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