LES ENZYMES ŒNOLOGIQUES

Augmentation des rendements de pressurage, débourbage, extraction et stabilisation de la couleur, clarification, autolyse, libération des arômes…les applications œnologiques des enzymes sont de plus en plus nombreuses…

Qu’est-ce qu’une enzyme et quelle est son action ?

Une enzyme est une protéine (ou ARN dans le cas des ribozymes), catalyseur biologique, qui permet d’accélérer jusqu’à des millions de fois des réactions chimiques. La fonction des enzymes est liée à la présence dans leur structure (secondaire et tertiaire) d’un site particulier appelé le site actif. Schématiquement, il a la forme d’une cavité ou d’un sillon dans lequel vont se fixer les substrats grâce à plusieurs liaisons chimiques . Une fois fixés, les substrats vont réagir et se transformer en produit. L’enzyme se retrouve intacte en fin de réaction.

Pourquoi utiliser des préparations enzymatiques industrielles en oenologie ?

Les préparations enzymatiques commerciales servent surtout à amplifier et à améliorer les phénomènes spontanés observés au cours de la vinification. Les enzymes présentes dans les préparations industrielles ne sont jamais totalement absentes du raisin, de la levure ou de la flore microbienne. L’apport d’enzymes exogènes est en général justifié par la faiblesse des niveaux d’activités rencontrés dans le raisin ou les levures. Cet ajout permet d’accélérer et d’optimiser les phénomènes recherchés par le vinificateur.

Quelles sont les principales activités enzymatiques utilisées en oenologie ?

Les activités utilisables en oenologie sont décrites par le réglement européen 1493/1999 et les résolutions oenologiques 11-18/2004 de l’OIV. Il s’agit :

  • des pectinases dont les pectine-lyases (PL), les pectine-méthylestérases (PME) et les polygalacturonases (PG). La pectine est un constituant majeur de la paroi des cellules végétales. Les pectine-lyases dégradent la chaîne des pectines en deux acides galacturoniques méthylés. L’activité de la PME va libérer le groupement méthyle de ces acides qui seront alors dégradés par la PG
  • des cellulases et hémicellulases. Ces enzymes assurent la dégradation d’un nombre important de constituants de la paroi cellulaire
  • des glucanases : ces enzymes permettent la dégradation des glucanes. Les glucanes sont des composés libérés par Botrytis cinerea mais qui rentrent également dans la composition de la paroi des levures de vinification
  • des glycosidases : ces enzymes catalysent l’hydrolyse des liaisons glycosidiques. L’activité principale et unique des glycosidases, en utilisation œnologique, est la libération des précurseurs des arômes. Cependant, parmi les effets dits indésirables, il existe une possible dégradation des anthocyanes et des polysaccharides des parois végétales (glucanases en béta 1,4).

Hémicellulases, glucanases et glycosidases sont en général commercialisées en mélange avec des pectinases. Le lysozyme est une autre enzyme autorisée en oenologie qui ne sera pas traitée ici puisqu’il fait l’objet d’une fiche spécifique.

Comment sont fabriquées industriellement les enzymes oenologiques ?

Toutes les enzymes citées précédemment sont produites par Aspergillus niger à l’exception des glucanases qui sont produites par Trichoderma harzianium. Afin qu’ Aspergillus puisse produire des pectinases, il doit se développer sur un milieu riche en pectine comme source de carbone. Il doit également être stimulé afin de produire l’enzyme souhaitée et leurs activités secondaires. Les enzymes sécrétées dans le milieu sont ensuite isolées, ultrafiltrées et concentrées, les micro-organismes étant totalement éliminés. A l’issue de ces étapes, on obtient un produit dont l’activité principale est accompagnée de nombreuses activités secondaires. Certaines de ces activités secondaires peuvent être indésirables en vinification, et imposent une phase de purification supplémentaire. C’est le cas notamment des cinnamyl-estérases (formation des vinyls-phénols à odeur pharmaceutique et précurseurs des éthyls-phénols) et des anthocyanases (instabilisation de la couleur des vins rouges). Les enzymes sont en général formulées sous forme liquide ou sous forme de micro-granulés. Avant utilisation, ces dernières doivent être réhydratées dans 10 fois leur volume d’eau ou de moût.

Quels sont les facteurs ou intrants oenologiques influençant l’activité enzymatique ?

  • la température : lorsque la température dépasse les 60°C, les enzymes sont dénaturées. L’application œnologique la plus connue est la thermovinification pour stopper l’activité laccase du Botrytis. Si la température est en dessous de 5°C, l’enzyme est inactivée car l’agitation moléculaire provoquée par la chaleur est limitée
  • le pH : la quasi-totalité des enzymes œnologiques est active pour des pH compris entre 2,8 et 5,0
  • le SO2 : l ’activité enzymatique est inhibée par le SO2 libre, pour cette raison il peut s’avérer nécessaire de décaler dans le temps l’ajout de ces deux produits
  • la teneur en sucre : certaines enzymes peuvent être inhibées par le glucose, c’est le cas notamment des glycosidases qui sont inhibées à des teneurs en sucre supérieures à 50 g/L
  • la bentonite : elle adsorbe les protéines et inactive par conséquent les enzymes. Un léger collage à la bentonite (5-10 g/hl) peut stopper l’action d’une enzyme
  • les tanins œnologiques : des travaux ont montré que les tanins s’associaient avec les protéines par des liaisons hydrogènes et des interactions hydrophobes

Quel est l’intérêt des enzymes pour le débourbage des vins blancs et rosés ?

Après extraction des jus en vinification, les pectines chargées négativement forment une couche protectrice autour des particules solides chargées positivement, ce qui les maintient en suspension. L’action de dégradation des pectinases permet d’exposer des charges positives sur ces complexes qui floculent avec les pectines pour former une particule plus grosse. Lorsque ces particules atteignent une certaine taille, elles sédimentent. Des essais conduits par l’IFV Sud-Ouest en 2005, sur cépage Ugni Blanc, ont montré que les 4 spécialités de pectinases du commerce testées, présentaient la même efficacité au niveau des turbidités finales des moûts, voisines de 30 NTU après 24 H. Les témoins non enzymés n’ont pas réussi à atteindre une turbidité acceptable (< 200 NTU). D’un point de vue organoleptique, aucune différence n’était à signaler entre les différentes préparations enzymatiques. Ces enzymes s’utilisent en général à la dose de 1 g/hl.

Quel est l’intérêt des enzymes lors des phases de macération pelliculaire en blanc et rosé ?

Les parois des cellules végétales contenant approximativement 30% de pectines, l’utilisation d’enzymes de macération peut permettre, en détruisant les barrières physiques, d’extraire davantage de jus et de précurseurs d’arômes. La pectine des raisins non solubilisée possèdant une structure plus complexe, les enzymes de macération possèdent, en règle générale, des activités spécifiques complémentaires. Des essais menés en 2008 par l’IFV Sud-Ouest en partenariat avec DSM, vont également dans ce sens, puisque l’utilisation d’enzymes de macération a permis d’extraire plus de jus (+ 5 à 6 L/100 kg) mais a généré également davantage de bourbes sur cépage Sauvignon blanc. Dans les conditions de l’essai (6 heures de macération à 18°C), aucune différence sur les paramètres analytiques des moûts n’a été observée. Une contribution enzymatique positive de l’enzymage (+23% de 3MH et +25% d’Ac3MH) sur la production des thiols a été notée. Cette tendance, non statistiquement significative, n’est pas confirmée à la dégustation. Les vins sont jugés plus gras. Lors de macérations plus poussées, l’utilisation d’enzymes peut augmenter les teneurs en azote assimilable et en polyphénols des moûts. Ces enzymes s’utilisent en général à la dose de 2 g/100 kg de vendange..

Quel est l’intérêt des enzymes en macération en rouge ?

En dégradant les parois végétales, les enzymes de macération en rouge permettent d’améliorer la macération et la diffusion dans le moût des composés polyphénoliques. Ces spécialités enzymatiques doivent présenter très peu ou pas d’activité anthocyanase afin de ne pas déstabiliser la couleur. En 2005, sur raisins de Duras, vendangés à 11% Vol, en légère sous-maturité, l’enzymage a fragilisé les parois cellulaires, facilitant ainsi la libération des composés phénoliques dans le moût (+39% d’Anthocyanes ; + 31% IPT par rapport au témoin). Le vin était mieux apprécié à la dégustation. Sur une vendange plus mûre, récoltée à 12%, l’enzymage n’a par contre eu aucune action sur l’extraction des composés phénoliques. Ces enzymes s’utilisent en général à la dose de 2-3 g/100 kg de vendange.

Quel est l’intérêt des beta-glycosidases ?

Ces enzymes catalysent l’hydrolyse des liaisons glycosidiques. Elles possèdent un rôle dans la libération des molécules aromatiques de la famille des terpénols et des C13-norisoprénoïdes. Réprimées par le glucose, ces enzymes doivent être utilisées en fin de fermentation alcoolique (masse volumique < 1010 g/l). La réussite de l’utilisation de ces enzymes repose bien entendu sur la présence supposée de précurseurs aromatiques dans le moût : aucun effet ne sera observé sur un moût dépourvu de précurseurs glycosylés. Ces enzymes s’utilisent en général à la dose de 2 à 3 g/hl. Leur action peut être stoppée par un léger collage à la bentonite (5-10 g/hl).

Quel est l’intérêt des beta-glucanases ?

Ces enzymes dégradent les glucanes qui sont les composés principaux de la paroi des champignons, dont les levures de vinification du genre Saccharomyces. Traditionnellement, les beta-glucanases étaient utilisées sur vendange botrytisée afin d’améliorer la filtrabilité des vins. Actuellement, ces enzymes connaissent un regain d’intérêt, associées à un élevage sur lies, afin d’accélérer les phénomènes d’autolyse. Ces enzymes s’utilisent en général à la dose de 2 à 4 g/hl.

Est-il possible de conserver des préparations enzymatiques d’une année sur l’autre ?

Selon les fabricants, les préparations enzymatiques peuvent être conservées d’une année à l’autre au réfrigérateur, à condition que le sachet n’ait pas été ouvert. L’IFV de Tours a montré, il y a quelques années, que même des préparations ouvertes depuis 2 ans et conservées au frais et au sec dans un réfrigérateur, ne présentaient aucune perte d’activité.

Quel est le coût d’utilisation des enzymes oenologiques ?

Le coût des préparations enzymatiques dépend des spécialités commerciales et de leurs activités :

  • pectinase (débourbage) = de 60 à 165 € HT/kg
  • pectinase et hémicellulase (macération rouge et blanc) = de 71 à 215 € HT/kg
  • beta-glycosidase = environ 350 € /kg
  • beta-glucanase = environ 200 € HT/kg

(Source « Le coût des fournitures en viticulture et oenologie 2015 »)

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POUR EN SAVOIR PLUS

Quelques références bibliographiques
  • L. Guérin, D.H. Sutter, A. Demois, M.Chéreau, and G. Trandafir. (2009) Enzymes in winemaking : Determination and comparison enzymatic profiles of many commercial preparations. Am. J. Enol. Vitic. (AJEV) 60 (3) : 322-331.
  • L. Cayla, P. Cottereau, D. Caboulet et L. Guérin. 2009. Les enzymes en œnologie – 1er volet : Intérêt dans les opérations préfermentaires sur vin rosé. Revue Française d’Œnologie (RFO). N°234.
  • Poster OIV : L. Cayla, P. Cottereau, G. Masson, J.L.Berger, L. Guérin. Enzymes en œnologie : Intérêts dans les opérations préfermentaires sur vin rosé. Congrès de l’OIV, Juin 2009 (Slovénie)
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