UTILISATION DE PANNEAUX RÉCUPÉRATEURS EN VITICULTURE :
Bonnes pratiques pour la préparation de la bouillie et le choix de la dose de produit phytosanitaire en fonction de l’évolution de la végétation et du taux de récupération
L’intérêt des panneaux récupérateurs est double : réduire la dérive et limiter les quantités d’intrants pour protéger sa culture en profitant de la récupération de la bouillie qui n’est pas interceptée par la végétation traitée. Mais comment préparer sa bouillie, à quelle concentration doser et quelle quantité de bouillie préparer pour valoriser au mieux son matériel ? La question est moins évidente qu’il n’y paraît.
Quels sont les enjeux d’une utilisation adéquate des panneaux récupérateurs ?
Les enjeux derrières une bonne utilisation des panneaux récupérateurs sont :
- La possibilité de réduction des quantités de produits phytos utilisés au niveau l’exploitation liée à la récupération;
- La possibilité de réduction de doses liée à la performance du pulvérisateur ;
- La possibilité de réduction de dose liée au stade végétatif;
La concentration de la bouillie préparée ne doit pas tenir compte de la récupération. Par contre, le volume de bouillie à préparer nécessaire sera plus faible pour traiter toute l’exploitation que par rapport à un appareil qui ne serait pas équipé d’un système de récupération. Attention, ce % de récupération n’est pas facile à connaitre car il dépend du stade de végétation, du nombre de manquants et du mode de conduite.
Comment adapter l’utilisation de panneaux récupérateurs au stade pleine végétation ?
Prenons l’exemple d’une exploitation de 30 ha équipé d’un pulvérisateur à panneaux récupérateurs, avec une cuve de 1000 litres et un volume/ha qui évolue dans une fourchette de 100 à 200 l/ha en fonction de la pousse de la végétation (seuls les diffuseurs situés en face de la végétation sont ouverts, les autres sont fermés).
Au stade pleine végétation, le pulvérisateur est réglé à 200 l/ha. Il s’agit du volume par hectare « débité » par les buses, ce volume/ha est supérieur au volume par hectare réellement épandu du fait de la récupération. Admettons qu’à ce stade, nos habitudes de travail nous permettent de fixer une première évaluation du taux de récupération à 30%. Avec un premier plein de cuve de 1000 l, la surface qui pourra être traitée en se basant sur cette évaluation du taux de récupération à 30% est :
S = 1000 / Vol ha Réel
S = 1000 / (200 * (1 – 0,3))
S = 7,14 ha
A première vue, un peu plus de 4 cuves seront donc nécessaires pour traiter les 30 ha. En pratique, il convient de s’ajuster en cours de traitement au taux de récupération réellement constaté une fois la pulvérisation de la première cuve achevée. Admettons pour cet exemple que nous ayons finalement traité 8,3 ha avec le premier plein de 1000 l.
- Cela signifierait que le taux de récupération avait été sous-évalué.
- Le volume par hectare réellement épandu est de : 1000 / 8,3 = 120,4 l/ha
- Le taux de récupération finalement constaté est de : (200 – 120,4) /200 = 0,4 = 40%
- Si les 30 – 8,3 = 21,7 ha restant à traiter ont les mêmes caractéristiques de vigueur, on aura le même taux de récupération pour la suite des opérations. Ainsi il aura fallu préparer en tout : 30 / 8,3 = 3,6 cuves soit trois cuves pleines de 1000 litres et une cuve de 1000 x 0,6 = 600 litres.
En termes de concentration de la bouillie à préparer : ne pas tenir compte de la récupération. Exemple pour un produit que l’on souhaite doser à 1 kg/ha. Notre volume par hectare débité par le pulvérisateur est de 200 l/ha, il faudra donc introduire 1 kg de produit pour 200l, soit 5kg par cuve de 1000l.
Au final, sur cet exemple avec panneau récupérateur, les 30 ha auront été traités avec 3,6 cuves de 1000l. On aura donc utilisé 5 x 3,6 = 18 kg de produit phyto. Si on avait eu un appareil ne permettant pas de récupérer, on aurait utilisé 1kg par ha x 30 ha = 30 kg. On retrouve bien 40% d’économie de produit phyto tout en réalisant un traitement de qualité équivalente à ce qu’aurait fait un matériel face par face à pleine dose. La récupération est une récupération de produit qui serait perdu, elle ne se fait pas au détriment des dépôts de produit dans la végétation traitée.
Comment adapter l’utilisation de panneaux récupérateurs au stade de début de végétation ?
Au stade début de végétation, il est possible de cumuler plusieurs leviers de réduction de dose.
- La dose homologuée inscrite sur l’étiquette du produit peut être réduite compte tenu du fait qu’il y a peu de végétation à couvrir, 30% de réduction peuvent être accomplis. Pour un produit homologué à 1 kg par ha, on peut donc cibler la dose de 0,7 kg/ha.
- On peut aussi tenir compte du fait qu’à ce stade végétatif, les performances des pulvérisateurs sont très différentes. A priori, un face par face au sens large (incluant les panneaux récupérateurs) permet de réduire la dose tout en maintenant des niveaux de dépôts dans la végétation aussi élevés que ceux que font la plupart des pulvérisateurs moins performants (que cela soient les voûtes ou les aéroconvecteurs). 30 % de réduction de dose supplémentaires avec les pulvés disposant de notations détaillées A ou A+ sont possibles : voir www.performancepulve.fr (Note : le raisonnement de la modulation de doses selon la performance du pulvérisateur utilisée est applicable à tous les stades végétatifs, consulter le dispositif Performancepulvé) . Ainsi dans notre cas de figure on ciblerait la dose par hectare de 0,7 x 0,7 = 0,5 environ kg/ha.
- Sur cette base s’ajoute l’économie liée à la récupération détaillée ci-avant dans le cas de la pleine végétation.
Revenons à notre exemple : L’appareil de notre exploitation est réglé sur 100 l/ha (volume/ha réellement débité par les buses, en ne gardant que les buses ouvertes en face de la végétation). Le panneau permet à ce stade de récupérer 50% de bouillie.
Il faudra à priori (avant ajustement éventuel à l’issue de la pulvérisation de la première cuve) 30 ha x (100 x 0,5) litres par ha = 1500 l soit 1,5 cuves de 1000 l pour traiter les 30ha de l’exploitation.
Vous utilisez un produit dont la dose homologuée est de 1kg/ha. Tenant compte du stade végétatif et des performances du pulvérisateur, vous décidez de traiter à 0,5 kg/ha. Il faut donc introduire, 0,5 kg pour 100l d’eau soit 5 kg par cuve de 1000l.
Bilan du traitement : 1,5 cuves x 5 kg par cuve = 7,5 kg de produit au total pour traiter les 30ha du domaine, soit une économie de 22.5kg par rapport à la dose homologuée fixée à 1 kg/ha (réduction totale de 75% de produits).
Quels panneaux récupérateurs choisir ?
Panneaux récupérateurs à jets portés
Pulvérisation |
Très bonne qualité de pulvérisation et de la récupération en utilisant des buses à fente à injection d’air. En plus de la qualité d’application, la récupération permet une économie de produit jusqu’à 40 % sur l’année pour des panneaux bien conçus (70-80% en début de végétation et 10-15% sur végétation pleinement développée en fonction du cépage, de la vigueur et du nombre de manquants) |
Dérive | Equipé de buses à injection d’air, ce matériel est peu sensible à la dérive. Il permet de travailler avec du vent dans la limite de la réglementation, avec un résultat bien meilleur que n’importe quelle autre technologie. Contrairement au pneumatique, le jet porté permet de dissocier air et liquide (choix de la taille de gouttes et de la vitesse d’air). Réduction de la dérive très importante. |
Vitesse | Sur ce type de pulvérisateurs, les essais réalisés montrent que la vitesse d’avancement (jusqu’à 9 km/h) ne nuit pas à la qualité de pulvérisation. Attention la vitesse maximum est fixée en premier lieu par le terrain (topographie et conditions de sol). |
Nettoyage | Lavage méticuleux nécessaire, donc temps conséquent et attention à l’exposition opérateur pendant les phases de nettoyage |
Panneaux récupérateurs pneumatiques : A EVITER
Les panneaux récupérateurs pneumatiques permettent beaucoup moins de liberté que les panneaux à jets portés qui présentent les mêmes caractéristiques d’utilisation (maniabilité, …). Peu d’avantage par rapport à des appareils face par face car la finesse des gouttes ne permet pas d’optimiser la récupération avec les panneaux.
Pulvérisation |
Bonne qualité de pulvérisation |
Dérive |
Peu de moyen pour réduire la dérive qui reste importante avec la technologie pneumatique |
Nettoyage |
Lavage méticuleux nécessaire, donc temps conséquent et attention à l’exposition opérateur pendant les phases de nettoyage |
Quelles précautions lors de l’achat d’un appareil à panneaux récupérateurs à jets portés ?
- Eviter les panneaux trop étroits qui ne permettent pas de bien récupérer, cependant, ils restent plus maniables que des panneaux plus performants et plus larges.
- Attention également à l’encombrement des panneaux récupérateurs surtout sur fourrières courtes et vignes en pointe : ce matériel demande des fourrières de minimum 4.5 m / 5.0 m
- 5 hauteurs de buses sur les descentes sont suffisantes pour traiter la hauteur de la végétation (éviter les dispositifs avec 6 à 10 hauteurs car elles demandent des débits par diffuseurs faibles et donc des calibres petits qui augmentent les risques de colmatage ou des volumes / ha très élevés)
- La capacité de la cuve se choisira en fonction du nombre d’ha et du stade végétatif. Il faut bien sûr prendre en compte la récupération.
Exemple : en début de végétation, en utilisant deux hauteurs de buses et une récupération de 70% du produit pulvérisé, le volume réellement appliqué se situe autour de 20-25 l/ha. - Il est indispensable d’avoir un système de sécurité en cas d’accroche accidentelle des panneaux pour ne pas les détériorer.
- Déploiement et replis des panneaux extérieurs : privilégier les dispositifs de repli et de réouverture automatique à la largeur souhaitée pour un débit de chantier optimal.
- Dispositif de ré-aspiration de bouillie : Choisir un système autre que les hydro-injecteurs afin d’éviter la mousse dans la cuve (pompe péristaltique, pompe annexe)
- L’utilisation des panneaux requiert de la vigilance quant à la conduite (encombrement) et à l’entretien.
- Si zone avec problème de portance, adapter l’entretien du sol avec un enherbement sur les rangs de passage ou totalement enherbé pour faciliter le passage de l’appareil
- Contrôleur de débit pression (affichage des valeurs) très utile pour contrôler la qualité du travail effectué et si possible mesure du débit (droite / gauche) pour identifier les bouchages (contrôleur mieux que la régulation DPAE)