La taille mécanique précise en cordon unilatéral libre : une réflexion qui doit débuter avant l’implantation du vignoble

 

Christophe GAVIGLIO

IFV Sud-ouest, V’innopôle, BP22, F-81310 Lisle sur Tarn, France

Dans le cadre d’un partenariat national avec l’ANIVIN, l’IFV a mis en place en Occitanie deux sites pilotes proposant de nouveaux modèles de production appelés V.I.E. Ces Vignobles Innovants Ecoresponsables reposent sur 6 leviers techniques et environnementaux. Parmi eux, la taille mécanique précise en cordon unilatéral libre qui doit permettre d’assurer un niveau de rendement élevé chaque année. Mais opter pour ce type de système implique une nécessaire réflexion en amont pour ne pas faire d’erreurs dans le choix du matériel utilisé.

La Taille Mécanique Précise est un système de taille mécanisée qui repose sur un cordon placé en hauteur. Monté manuellement pendant deux à trois ans de taille de formation, jusqu’à la mise en place d’un cordon qui est ensuite taillé avec un outil de taille mécanique précise.
En modifiant la répartition des bourgeons, ce type de taille influence le nombre de grappes, leur taille, et le rapport pellicule/pulpe.Il est donc particulièrement adapté pour un objectif de production de hauts rendements qualitatifs. Mais ce type de système ultra mécanisé nécessite un alignement parfait du palissage, résistant à la charge d’année en année et permettant ainsi le passage des machines.

Une somme de détails qui font la différence

Dans tous les systèmes de conduite mécanisés, le palissage a une grande importance car il assure plusieurs fonctions : le support de la végétation, la tenue par rapport à la charge de récolte, l’établissement d’un système rectiligne (régularité et alignement) qui conditionne la performance des matériels. En effet, une machine qui réalise une coupe horizontale proche du cordon donne un travail d’autant plus régulier que le cordon est droit. L’établissement du palissage pour un Vignoble Innovant Ecoresponsable à taille mécanisée vise à limiter les écarts latéraux et horizontaux dus aux contraintes provoquées par la charge de récolte pour bien supporter le passage des machines. C’est un ensemble d’éléments solidaires les uns des autres, mis en tension à l’installation du vignoble et qui devra supporter une tension supplémentaire avec le développement de la vigne. Pour l’établissement d’un cordon libre sans relevage, la hauteur du cordon (entre 90
et 110 cm) est supérieure à celle de vignes plus classiques. Le palissage doit donc être rigide pour supporter ce type de conduite et une charge en bourgeons élevée. Six éléments sont déterminants dans la mise en place de ce palissage et permettent d’éviter les erreurs.

Les amarres : Des amarres de 1,5 m avec des disques de 150 mm sont recommandées, avec une distance d’ancrage équivalente à la hauteur du piquet de tête. Les piquets de tête : Les piquets de tête sont à la base de la résistance mécanique globale de l’ensemble. Le choix des piquets de tête permet d’éviter les phénomènes de torsion latérale (image 1). Il faut eviter les torsions du piquet de tête qui  écalent l’alignement établi au départ. Pour conserver une tension rectiligne , un piquet de tête IPN avec son système de fixation permettant  un centrage du fil porteur et une très forte résistance à la charge (40 t /ha) est une des solutions (image 2). Des solutions intermédiaires
à moindre coût existent également, pour une résistance jusqu’à 20 t/ha. La mâchoire conique sur le piquet profilé est une solution intéressante pour l’alignement de la tension sur le piquet de tête.

Image 1 (gauche) : torsion du piquet de tête, le fil releveur tire sur le côté.
Image 2 (centre) : Piquet de tête IPN
Image 3 (droite) : Piquet profilé à mâchoire conique

Les piquets intermédiaires : Pour supporter le surplus de charge, le nombre de piquets intermédiaires est renforcé par rapport à un vignoble classique : il est recommandé d’installer un piquet toutes les 4 à 5 souches maximum contre 6 à 7 habituellement. L’enjeu pour les piquets intermédiaires est la tenue latérale, c’est donc l’enfoncement de ces piquets qui est important. Ainsi pour un cordon libre installé à 1,10 m de hauteur, il faut prévoir des piquets de 1,60 minimum, voire plus et les enfoncer profondément pour garantir la tenue latérale. La tenue du fil porteur sur les piquets : la fixation au niveau du piquet repose souvent sur l’ajout d’une pièce dédiée, prenant place dans une encoche prévue à cet effet pour éviter le décrochement du fil lors du passage de la machine à vendanger. Les systèmes les plus rapides à mettre en oeuvre ne sont pas forcément les plus résistants et inversement : un fil enroulé de part et d’autre du piquet avec un passage au milieu présente une très bonne tenue, le blocage de la pièce encastrée avec un fil de fer est une bonne option de simples clips plastiques ne sont pas les plus adaptés car ils peuvent sortir de leur logement La tenue du fil porteur dans le piquet est un élément technique important. Le fil doit rester bien aligné et tendu. Une perte de tension du fil peut provoquer un décalage et un affaissement du cordon, rendant le travail
mécanique compliqué et menant rapidement à une perte de production. Des solutions très efficaces existent, mais sont souvent longues à mettre en oeuvre.

Les tuteurs : Le choix des tuteurs à chaque pied de vigne est important, car ils participent à la tenue horizontale et latérale du cordon entre chaque piquet. S’ils ne sont pas assez rigides, ils peuvent se courber, et exposer ainsi le tronc aux éléments de coupe latéraux des machines de taille. L’expérience montre que des tuteurs métalliques de diamètre 6 mm sont généralement insuffisants,
alors que ceux de 8 mm conviennent. La question de la matière de ces tuteurs se pose :

  • le tuteur en métal : il doit être d’un diamètre de 8 mm minimum, ce type de tuteur plus rigide que ceux de 6 mm présente moins de risques de courbure et ainsi d’exposer les troncs aux éléments de coupe latéraux des machines de taille. Il faut cependant veiller à ce qu’il ne dépasse pas des fils porteurs à cause de la charge en raisin, pour ne pas endommager la machine de taille. Une bonne fixation est indispensable.
  • le tuteur en fibre de verre : d’un diamètre de 8 mm minimum, il représente une alternative au tuteur métal. Plus souple que ce dernier, le passage d’engin agricole ne fera qu’incurver le tuteur avant qu’il ne reprenne sa forme initiale. Ces tuteurs sont plus durables (traitement anti-UV) et réutilisables dans des plantations successives, accroissant ainsi leur rentabilité par rapport aux tuteurs en fer.
  • le tuteur en bambou : plus souples, ils permettent de ne pas endommager la machine de taille. De par leur nature végétale, ils sont également plus facilement recyclables. Ils sont en revanche moins rigides et plus sujets à la casse.

Les fixations des tuteurs : La qualité des fixations est essentielle pour résister notamment à l’action du vent ou aux contraintes de la récolte mécanique (vibrations) (images 3 et 4). Les principales erreurs à éviter lors de l’installation d’un vignoble en taille mécanique
précise en cordon unilatéral libre sont les suivantes :

  • Les torsions de pieds qui exposent la vigne aux organes de coupes des machines (cela représente des pieds productifs en moins)
  • Les crosses sur le cordon, c’est-à-dire un dépassement du cordon au-dessus du fil porteur, qui l’expose aux organes de coupe. Il faut dans ce cas lever la hauteur de la machine de taille ce qui conduit à une taille moins précise.
  • La vague sur la longueur du rang, conséquence d’une charge importante qui engendre un travail irrégulier des machines et une difficulté de reprise manuelle. Dans ce contexte, le gain de la mécanisation est perdu.
  • La fragilisation des piquets de tête et l’inclinaison latérale.

Image 3 (haut) : bon positionnement du fil sur le tuteur.
Image 4 (bas) : décrochage du tuteur par le vent, les vibrations des machines..

Ce qui est en jeu pour éviter tous ces problèmes c’est la rigidité du palissage qui doit être capable de tenir la charge et de supporter
le passage des machines. L’implantation du vignoble est donc très importante dans le cadre d’un VIE, destiné à produire de forts rendements, entre 15 et 20 tonnes par hectare. L’investissement pour assurer une implantation correcte est important. Bien investir au départ sur uin vignoble solide permettra de faire des économies par la suite.

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