Pourquoi la vigne est-elle taillée ?

18 Fév 2025

Par Alain Deloire, professeur retraité de l'Institut Agro Montpellier

Pourquoi la vigne est-elle taillée ?

Et bien principalement pour réguler le rendement par cep et par hectare en décidant d’un nombre moyen de bourgeons latents (et d’un nombre potentiel d’inflorescences) à laisser sur le cep.

 

La taille de la vigne

Le sujet de la taille n’est pas développé dans ce document technique mais il est important de rappeler qu’il y a plusieurs modes de taille de la vigne bien connus :

  • Taille en cordon, taille Guyot, la taille mixte, la taille Cazenave…bref il est possible d’adapter la taille en fonction du cépage x système de conduite x environnement x objectif de rendement en kg de raisin ou hectolitres par hectare.
  • Il y a aussi la non taille (taille minimale) et la taille mécanique !

Par ailleurs, les principes de la taille non mutilantes ont été décrits dans de nombreux ouvrages et publications (Lafon, 1921 ; Sicavac, 2015 ; Deloire et al., 2022 ; Dumont et al., 2023).

 

Le bourgeon latent de vigne

Le bourgeon latent (BL) contient les méristèmes permettant de différencier les primordia d’inflorescences conditionnant la future récolte :
La figure 1 (a, b, c) montre un bourgeon latent à l’aisselle du rameau secondaire.

Figure 1 : Exemple d’un bourgeon latent (BL) de vigne (cépage Barbaroux) à différentes échelles (a, b, c). Le rameau secondaire axile le BL (a, b).

 

Le bourgeon latent (figure 2, d, e, f ; figure 3, h) se compose de 2 à 3 bourgeons qui portent notamment les méristèmes de type R2 (bourgeon principal du bourgeon latent) et R3 (bourgeon secondaire du bourgeon latent).

Figure 2 : Exemples de sections longitudinales (d, e) et d’une section transversale (f) dans trois bourgeons latents (BL) différents qui montrent l’organisation complexe du BL qui peut porter  jusqu’à 5 méristèmes différents suivant son degré de différenciation (interaction cépage x environnement) et sa position sur le sarment. Les bourgeons latents les moins différenciés sont généralement situés au sommet du sarment.

Figure 3 : Section longitudinale (g) dans un bourgeon latent de Merlot en fin de différenciation (avant l’entrée en dormance du sarment porteur). Les cercles en pointillés montrent les primordia d’inflorescences (PIs) de rang 1 (cercle bleu) et de rang 2 (cercle orange) qui sont les plus différenciés et qui présentent des ramifications secondaires et tertiaires. Ces PIs se développeront normalement en inflorescences fructifères et en grappes et sont situés à la base de la future tige. Les autres Pis se transformeront en vrilles lors du développement de la future tige (rameau primaire). La section transversale (h) d’un bourgeon latent montrent la présence de plusieurs bourgeons (méristèmes) dont le bourgeon principal (méristème R2) et le bourgeon secondaire (méristème R3) (Torregrosa et al., 2021).

 

Si par exemple le R2 gèle au printemps, c’est le R3 (peu fertile) qui prend le relais s’il n’a pas lui-même gelé.

La fertilité du bourgeon latent correspond au nombre moyen de primordia d’inflorescences qui ont été formés l’année N (Zufferey et al., 2022 ; Carbonneau et al., 2020 ; Guilpart et al., 2014 ; Carolus, 1971) pour une poursuite de leur développement l’année N+1 à partir du débourrement (= développement du BL au printemps N+1).

La section longitudinale (figure 2, d) d’un bourgeon latent (cépage Barbaroux) permet d’observer les poils qui forment la “bourre” et les écailles qui protègent le BL du froid, les primordia de feuilles. Il est très souvent difficile de voir les primordia d’inflorescences qui suivant le degré de différenciation du BL sur le sarment sont sous forme de méristèmes ou d’inflorescences miniatures à des niveaux de différenciations différents (Carolus, 1971 ; figure 3, g).

 

Pour en savoir plus :

Carbonneau A., Torregrosa L., Deloire A., Pellegrino A., Pantin F., Romieu C., Ojeda H., Jaillard B., Métay A., Abbal P., (2020). Traité de la Vigne, Physiologie-Terroir-Culture, Dunod Editeur,  Paris, France, ISBN 978-2-10-079857-5, 689 p.
Carolus M., 1971. Description des stades du développement des primordia inflorescentiels durant l’organogenèse des bourgeons latents de la Vigne (Vitis vinifera L. var. Merlot). Conn. Vigne Vin., 2, 163-173.
Deloire A, Dumont C., Giudici M., Rogiers S., Pellegrino A., 2022. Quelques mots sur les bourgeons latents et la taille de la vigne en tenant compte du flux de sève, IVES Technical Reviews, https://ives-technicalreviews.eu/article/view/5512
Dumont C., Simonit M., Giudici M., Rességuier M., Geny-Denis L., Deloire A., Pellegrino A., 2023. Petit Précis de Viticulture, Tome 1 (Terroirs, implantation et développement de la vigne), Editions France Agricole, ISBN 978-2-85557-836-1.
Guilpart, N., A. Metay, and Gary C.,2014. Grapevine bud fertility and number of berries per bunch are determined by water and nitrogen stress around flowering in the previous year. European Journal of Agronomy, 2014. 54: p. 9-20.
Lafon R., 1921. Modification à apporter à la taille de la vigne dans les Charentes, Taille Guyot-Poussart mixte et double, Arts & Arts Editions, Bordeaux (réimpression en 2021 de l’édition originale de 1921, éditée à Montpellier)
Sicavac, (2015). Manuel des pratiques viticoles contre les maladies du bois, BIVC, Sicavac Centre-Loire, Imprimerie Paquereau, ISBN 978-2-37006-000-6
Torregrosa L., Carbonneau A., Kelner J.J.  (2021). The shoot system architecture of Vitis vinifera ssp. Sativa, Scientia Horticulturae 288, https://doi.org/10.1016/j.scienta.2021.110404
Zufferey V., Gindro K., Verdenal T., Murisier F., Viret O., 2022. La vigne : Anatomie et Physiologie, Vol 4, Editions AMTRA, Lausanne, Suisse, ISBN 978-3-85928-112-7