Avant le phylloxéra, la vigne était multipliée par bouturage, mais aussi directement dans les vignobles par provignage à partir de souches en place.
Citons G. Foëx (1887) :
« Le provignage ou marcottage consiste, pour la vigne, à faire naître des racines sur un sarment avant qu’il ait été détaché de la souche qui lui a donné naissance ». Pour l’auteur, les termes de provignage et marcottage sont donc rigoureusement synonymes, seules diffèrent les techniques de mise en œuvre de l’opération. Dans le langage viticole commun, le marcottage désignait plutôt la mise en terre d’un ou plusieurs sarments de l’année et non pas l’enterrement d’une souche complète (voir ci-après).
Foëx recommandait notamment le marcottage pour les Vitis sp. dont l’enracinement par bouture est difficile voire impossible (ex. Vitis berlandieri ou le sous-genre Muscadinia), ainsi que pour les cépages rares et précieux. Mais, comme le décrit abondamment l’ancienne littérature viticole, ces différentes techniques étaient généralisées dans tous les vignobles jusqu’à l’arrivée du phylloxéra, la pertinence de leur emploi se réduisant drastiquement conjointement à l’impossibilité de perpétuer la culture de Vitis vinifera franc de pied dans l’immense majorité des situations.
Les principaux types de provins utilisés et décrits par Foëx (1887) sont illustrés par la figure jointe :
(a) LE PROVIGNAGE PAR MARCOTTE SIMPLE
Il était utilisé pour :
i) remplacer des ceps manquants au vignoble ;
ii) je cite : « …fournir des mérithalles enracinés destinés à servir de sujet (terme utilisé pour désigner le porte-greffe) pour le greffage à l’atelier » (concerne la production de porte-greffes après l’invasion phylloxérique).
Les bourgeons latents situés depuis l’origine du sarment sur le cep jusqu’à la partie plantée dans le sol sont supprimés. La portion du sarment placée en terre doit être courte. On peut utiliser aussi bien des sarments aoûtés que des rameaux herbacés (ce qui permet d’obtenir des boutures racinées en cours de saison).
(b) LE PROVIGNAGE PAR COUCHAGE DE LA SOUCHE
Ce procédé, plus complexe et coûteux à mettre en œuvre, permettait de « sauver » un cep dépérissant ou simplement de le renouveler après un certain nombre d’années pour maintenir la productivité d’une parcelle. Plusieurs marcottes pouvaient être réalisées à partir d’une même souche, ce qui aboutissait invariablement à une disposition « en foule » des pieds dans la parcelle et à une augmentation de la densité de la plantation. A titre d’exemple, les pieds étaient provignés par couchage chaque année en Champagne, et les densités pouvaient atteindre 20 000 à 40 000 souches par hectare !
(c) LE PROVIGNAGE CHINOIS
Il permet d’obtenir plusieurs boutures racinées à partir d’un même sarment. La fosse creusée a une profondeur de 25 cm et le sarment est enfoui à environ 6 à 8 cm de profondeur. Les bourgeons latents, depuis l’origine du sarment sur le cep jusqu’à la portion enterrée, sont supprimés. Dès que les rameaux primaires développés atteignent 15 à 20 cm, il faut apporter du fumier ou de la bonne terre (en sol pauvre) et arroser (en sol sec). Chaque rameau primaire développé au cours de la saison donnera un plant raciné.
(d) LE PROVIGNAGE PAR VERSADI
Il était utilisé pour remplacer des ceps manquants dans le vignoble. L’extrémité d’un sarment est enfouie à une profondeur de 20 à 25 cm dans un sol préalablement préparé (avec apport de fumier dans la fosse de plantation).
(e) et (f) Exemple de MARCOTTAGE décrit par J. Guyot (1865).
La période recommandée pour réaliser un marcottage à partir d’un sarment est la chute des feuilles en automne. Concernant le marcottage de rameau herbacé, il s’effectue lorsque le rameau est assez solide pour ne pas se rompre lors du pliage et de la mise en terre.
ET DE NOS JOURS ?
En cas d’utilisation du marcottage pour remplacer un cep manquant dans le vignoble, l’astuce consiste à ne jamais séparer la plante-fille de la plante-mère, principalement en raison du phylloxéra et donc de la fragilité du système racinaire de la marcotte obtenue à partir d’un cépage sensible à ce parasite.
Bibliographie
Foëx G., 1887. Manuel pratique de Viticulture pour la reconstitution des vignobles méridionaux, 4ème édition, Editeur Camille Coulet, Montpellier.
Guyot J., 1865. La Viticulture du Centre Sud de la France, Imprimerie Impériale, Paris.
