Diversité des techniques de pulvérisation

Adrien Vergès

Pôle Rhône-Méditerranée, 361 rue J.F. Breton – BP 5095, 34196 Montpellier cedex 5

Les mesures des quantités de dépôts de pulvérisation obtenues sur le banc d’essai EvaSprayViti démontrent clairement qu’il existe des techniques de pulvérisation performantes, représentant un net progrès par rapport aux techniques les plus couramment employées. Démonstration en 3 questions-réponses.

Les caractéristiques de la végétation recevant le traitement doivent-elles être prises en compte pour optimiser l’utilisation des intrants phytosanitaires ?

La campagne de protection phytosanitaire débutant alors que le végétal est encore peu développé et se terminant alors que le développement de la végétation est maximal, il est donc surprenant que la même dose de produit, définie par hectare et donc fixe tout au long de la campagne, puisse être consacrée à la protection de quantités de végétation aussi variées. Pour étudier l’influence du stade végétatif sur les quantités de dépôts de pulvérisation, les évaluations des performances des pulvérisateurs ont été menées aux trois stades de développement de la végétation que permet de simuler la vigne artificielle. Les 17 pulvérisateurs dédiés au vignoble large (matériel interligne) ont été évalués pour une végétation artificielle à 2,5 mètres d’inter-rang ayant un indice foliaire de 0,24 (m2 de feuille par m2 de sol) en début de végétation, 0,88 en milieu et 1,68 en pleine végétation.

Ces mesures démontrent que les quantités de dépôt de pulvérisation sont très dépendantes de la nature de la végétation ciblée par le traitement. En moyenne, sur l’échantillon de machines étudié, les dépôts de pulvérisation par unité de surface de feuillage varient dans un rapport de 1 à 4 entre la pleine végétation et le début de végétation. Ces résultats permettent d’affirmer que l’utilisation de la dose homologuée de produit phytosanitaire, exprimée par hectare de surface cadastrale, constante au cours de la campagne de traitement aboutit à une dose effective, rentrant réellement en jeu dans la protection et exprimée par unité de surface de végétal variant dans un rapport très significatif. Les doses de produits phytosanitaires sont d’ailleurs exprimées en fonction du développement de la végétation en Allemagne et en Suisse pour des spécialités phytosanitaires identiques à celles utilisées en France.

Les traitements de début de campagne apparaissent donc comme ceux où la marge de manœuvre pour réduire les quantités de produits phytosanitaires employées est la plus importante. De plus, les essais menés sur la vigne artificielle démontrent que le début de végétation est le stade végétatif pour lequel les pertes de bouillie phytosanitaire en dehors de la cible sont les plus importantes. Des réglages du pulvérisateur précis permettent donc de réduire significativement les doses employées à ce stade végétatif clé sans compromettre l’efficacité de la protection phytosanitaire.

Pour un type de végétation donné, quelles perspectives d’optimisation de l’utilisation des intrants offrent les différentes techniques d’application ?

Les différentes modalités d’essai menées sur la vigne artificielle EvaSprayViti démontrent, outre la forte influence du stade végétatif sur les quantités de dépôt de pulvérisation, qu’à un stade végétatif donné, les différentes techniques d’application ont des performances extrêmement variées. Ainsi, pour l’échantillon de pulvérisateurs évalué, les quantités de dépôts de pulvérisation moyennes varient dans un rapport de un à cinq en début de végétation, de un à trois en milieu de végétation et de un à deux en pleine végétation et ce pour l’application d’une même dose de produit à l’hectare (CODIS S, et al., 2014). Il apparaît également que le matériel le plus utilisé en vignes larges, la « voûte pneumatique quatre mains quatre canons » ne fait pas partie des matériels les plus performants quel que soit le stade végétatif considéré : d’autres matériels, optimisant les quantités de dépôts de pulvérisation sur le végétal cible pourraient donc permettre de réduire les quantités d’intrants phytosanitaires utilisées sans compromettre l’efficacité de la protection du vignoble contre les maladies et ravageurs.
Parmi les pulvérisateurs testés en début de végétation, il apparaît qu’un matériel simple de fonctionnement et économe en énergie « la rampe premiers traitements » équipée de buses à injection d’air permet de localiser au mieux la bouillie pulvérisée sur le végétal cible (CODIS S. et al., 2015).

Il s’agit d’un système à jet projeté (dépourvu d’assistance d’air) qui permet de réaliser un traitement précis et homogène aux premiers stades de développement de la vigne lorsque la végétation est encore poreuse. Cette technique de pulvérisation présente aussi l’avantage de limiter drastiquement le risque de dérive d’embruns de pulvérisation au-delà des limites de la parcelle traitée.

En pleine végétation, les quantités de dépôts de pulvérisation moyennes varient dans un rapport d’un à deux, ce critère de qualité de la pulvérisation apparait donc comme moins discriminant qu’aux autres stades végétatifs. En effet, la végétation large et épaisse inhérente à ce stade de développement retient mieux les dépôts et limite donc les pertes de bouillie vers des compartiments non cibles même avec une moindre précision d’application. Les techniques de pulvérisation se distinguent cependant très bien à ce stade végétatif par leur capacité à répartir de manière homogène les dépôts de pulvérisation dans les différents compartiments de feuillage. Il apparait par exemple que certaines techniques couramment employées qui ne ciblent directement que l’une des deux faces des rangs de vigne (pulvérisation mono-face) aboutissent à des dépôts de pulvérisation variant dans un rapport de un à six entre les deux faces d’un même rang. Ainsi, les techniques de pulvérisation offrant des dépôts de pulvérisation homogènes sur l’ensemble du rang (face par face ou assimilables) représentent un progrès par rapport à certaines techniques pouvant être mis à profit pour réduire les quantités de produits phytosanitaires tout en maintenant la sécurité de protection requise.

Quelles informations pertinentes, pour raisonner le choix d’un nouveau pulvérisateur, le banc d’essai EvaSprayViti fournit-il ?

Deux indicateurs de qualité de la pulvérisation sont mesurés en routine lors des essais réalisés sur la vigne artificielle EvaSprayViti, il s’agit du dépôt de pulvérisation moyen et de son coefficient de variation. Le premier indicateur révèle la capacité du matériel à localiser les dépôts de bouillie sur le végétal cible tandis que le second est révélateur de l’homogénéité de la répartition de ces dépôts à l’échelle du compartiment de feuillage (4 compartiments en début de végétation, 6 en milieu et 9 en pleine). Ces deux indicateurs de la performance des pulvérisateurs sont mesurés après la mise en œuvre de réglages de référence de la machine, correspondant aux recommandations du constructeur et à une utilisation cohérente avec les pratiques viticoles.

A l’issue des tests menés sur la vigne artificielle, les résultats obtenus sont insérés dans une base de données regroupant l’ensemble des résultats obtenus depuis le développement de la méthode de mesure des performances sur la vigne artificielle. Ainsi, les performances d’une machine peuvent être comparées à celles mesurées pour un échantillon d’effectif relativement important de pulvérisateurs présents sur le marché.

A l’image de la moyenne générale d’un bulletin de notes, les divers indicateurs de performance sont utilisés pour attribuer une note finale de performance du pulvérisateur, appelé « dépôt corrigé » qui est à la base d’une classification des machines, selon leur aptitude à optimiser les dépôts de pulvérisation sur le feuillage de la vigne traitée (VERGES A., et al.,2015). C’est cette démarche scientifique et technique de mesure des performances des pulvérisateurs qui est le socle de la qualification des pulvérisateurs viticoles PERFORMANCE PULVÉ développée dans le cadre du plan EcoPhyto.
Depuis mars 2020, les constructeurs de pulvérisateurs qui le souhaitent peuvent demander la qualification de leur matériel par le processus PERFORMANCE PULVÉ. Un site internet dédié publiera la liste des machines accompagnées de leurs notes de qualification, permettant de renseigner les viticulteurs au moment clé du choix d’une nouvelle machine.

A terme, la classification des pulvérisateurs selon leurs performances agro-environnementale devra intégrer des informations sur la capacité du matériel à limiter la dérive de pulvérisation. Les enjeux liés à la protection du vignoble planté à proximité de zones sensibles au titre des risques pour la santé ou l’environnement sont en effet très importants et l’amélioration du matériel apparaît là encore comme un important levier pour agir contre les problèmes soulevés.
Les méthodes d’évaluation et de quantification de ce phénomène de dérive de pulvérisation sont à ce jour en cours de développement.

Conclusions

Le standard d’évaluation que constitue la vigne artificielle EvaSprayViti a permis de mettre en évidence que l’amélioration de la qualité de pulvérisation au vignoble constitue un puissant levier pour concourir à court et moyen termes aux objectifs de réduction des quantités de produits phytosanitaires employées fixés par le plan EcoPhyto. Le démarche PERFORMANCE PULVÉ basée sur l’inscription volontaire des constructeurs et la publication sur une plateforme internet des notes de classification obtenues permet de mettre en avant les techniques de pulvérisation qui répondent le mieux à cet enjeu tout en maintenant la protection sanitaire requise.

Pour optimiser les quantités de dépôts de pulvérisation, plusieurs paramètres doivent être pris en compte : la nature de la végétation cible, le matériel de pulvérisation utilisé, ses réglages.

Si des techniques de pulvérisation représentant un net progrès par rapport aux pratiques actuelles ont pu être identifiées, il est clair que le choix d’une nouvelle technique d’application des produits phytosanitaires par les viticulteurs ne saurait être raisonnée sans prendre en compte le débit du chantier de pulvérisation et son coût. Les techniques les plus performantes sont en effet réputées plus coûteuses en temps et en argent. Cependant des possibilités d’utiliser ces techniques performantes en limitant leur coût par exemple en augmentant la vitesse d’avancement apparaissent comme prometteuses (PERGHER G. et al., 2005 et KEICHER R., 2015).

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