LA GRÊLE : QUE FAIRE SUR VIGNES GRÊLÉES ?

Les chutes de grêle engendrent occasionnellement des dégâts dans les vignobles. Voici un rappel de la conduite à tenir sur vignes grêlées.

Comment se forme la grêle ?

La condition première à l’apparition de grêlons est la présence de quantité importante d’eau liquide en surfusion rencontrée au sein des puissants mouvements verticaux ascendants que l’on trouve au sein d’un cumulonimbus. Les grêlons sont transportés par des courants ascendants présents dans le cumulonimbus et lorsqu’ils passent dans une zone riche en gouttelettes, ils vont acquérir une couche translucide en les capturant, alors que dans les régions de l’orage c’est surtout de la vapeur d’eau qui est disponible, il se formera une couche de givre blanc opaque.

Comment détecter un orage de grêle ?

Une détection précoce d’un orage de grêle peut permettre de mettre en oeuvre les systèmes de protection anti-grêle. Cette détection peut être réalisée :

  • par l’utilisation de radars météorologiques à impulsions. Ce type de radar émet des pulses de très courte durée suivi d’un temps mort beaucoup plus long pour « détecter » les échos de retour en provenance du ciel (précipitations ou objets volants). Les radars Doppler sont les seuls à pouvoir détecter la présence de grêle dans un cumulonimbus avec certitude. Afin de disposer d’une image météorologique locale précise en temps réel, il est possible de s’équiper, individuellement ou à plusieurs, d’un radar météorologique « bas coût » qui permet de savoir si un cumulonimbus susceptible de contenir de la grêle est en approche
  • par les services d’alertes météorologiques. II existe de multiples structures et sites Internet proposant des services d’alertes météorologiques. Il est possible de recevoir des alertes par e-mail ou par SMS sur votre mobile. Ces services sont basés sur des informations en provenance de radars météorologiques Doppler, très fiables pour la détection de grêle mais généralement peu précises quant à la localisation, la durée et l’heure de l’orage de grêle
  • par la reconnaissance visuelle des nuages (cumulonimbus) susceptibles de véhiculer de la grêle. L’évaluation du risque de grêle peut se faire par observation de leurs formes (partie sommitale en forme d’enclume), par leurs épaisseurs (au moins 5 000 mètres), par leurs activités électriques (présence de nombreux éclairs), par leurs niveaux de précipitations (pluies généralement fortes) et par la couleur du ciel (teinte légèrement verte)

Comment se protéger contre un orage de grêle?

Aujourd’hui, 2 options permettent de limiter les dommages (directs ou indirects) de la grêle : 

  • Les filets paragrêle : il s’agit de l’un des systèmes les plus fiables du marché et l’unique moyen de protection reconnu par les compagnies d’assurance en France. Il possède un coût d’installation élevé. Ces filets sont fréquemment utilisés dans les vignobles à raisins de table (comme à Moissac – 82) ou, par exemple, dans le vignoble argentin (région de Mendoza), pour protéger les vignes des granizos (grêlons) qui détruisent chaque année 20% de la récolte
  • Les asssurances « dommage grêle », qui représentent un moyen de limiter l’incidence économique d’un épisode dévastateur. La franchise est déduite du montant total des pertes de récolte en cas de sinistre. Pour les viticulteurs situés dans des régions fréquemment touchées par la grêle, l’assureur peut refuser le renouvellement de la police d’assurance. En cas de dégâts au printemps, il faut accélérer la venue de l’expert car le développement des entre-coeurs tend à masquer les dommages. Au contraire pour les grêles d’été, les dégats de rot-blanc demandant du temps à se manifester, il est préférable de retarder la venue de l’expert.

D’autres moyens sont également utilisés pour lutter contre la grêle au vignoble  : 

  • Les canons anti-grêle qui génèrent des ondes de choc. Ils sont composés d’une chambre d’explosion et d’un diffuseur conique. Ils empêchent le grossissement des embryons grêleux en cristallisant la couche externe des grêlons constituée d’eau surfondue, et en les empêchant ainsi de s’agglomérer. Ces canons fonctionnent grâce à un mélange de gaz explosif (acétylène ou butane) avec de l’air. Ce type de protection n’étant pas ou peu efficace sur des grêlons déjà formés, il doit être déclenché suffisamment tôt, 5 à 20 minutes avant la chute des premiers grêlons. La réussite effective d’une telle opération est, au final, soumise à de trop nombreux aleas pour être considérée comme vraiment fiable
  • Les fusées paragrêle ou autres techniques d’ensemencements (avion). Cette mesure permet, en projetant de l’iodure d’argent dans le nuage, de multiplier les embryons grêleux et d’éviter qu’ils atteignent une taille trop importante et donc d’acquérir une forte inertie pendant leur chute. Tout comme la technique précédente, outre la dangerosité de tels procédés qu’il ne faut pas négliger, son efficacité apparaît comme très aléatoire.

 

Filets paragrêles chez Dona Paula (Argentine)
Dégâts estivaux de grêle (Argentine)

Dans quelles situations faut-il retailler la vigne après des dégâts de grêle précoce ?

Selon le regretté professeur Boubals de l’Ecole de Montpellier (nombreux articles dans le Progrès Agricole et Viticole), il faut considérer, dans les régions méridionales, la mi-juin (du 15 au 21 juin) comme date butoir pour retailler la vigne après des dégâts de grêle et permettre un aoûtement suffisant des rameaux de la nouvelle végétation. Il est ainsi important de distinguer :

  • les chutes de grêle tardives (fin juin, juillet et août), où il faut laisser la vigne en état et ne jamais envisager la retaille. Le développement des entre-coeurs permettra, plus ou moins, de reconstituer une nouvelle végétation. Sur les jeunes vignes ou les ceps faibles aux réserves limitées, il faut soulager la souche en faisant tomber les grappes. Sur les vignes adultes, afin de ne pas épuiser les réserves, il est souhaitable si le coût est supportable, d’éliminer les grappes atteintes
  • les chutes de grêle précoce (avant le 15 juin). Si tous les fruits sont détruits et que les rameaux sont éclatés et pelés jusqu’à leur base, la retaille s’impose. L’objectif est de favoriser la repousse de sarments corrects pouvant servir de support à la prochaine taille hivernale, et d’éviter les développements faibles et buissonnants sur l’ensemble des parties blessées de la souche. Si les rameaux herbacés ne sont ni éclatés ni pelés et qu’il reste des inflorescences intactes, il est inutile de retailler, le développement des entre-coeurs contribuera au renouvellement de la végétation

Le CIVC considère qu’en situation septentrionale, il n’est pas nécessaire de retailler, ce qui est nettement moins coûteux. Selon François Langellier, les repousses ne seraient pas exploitables pour la taille suivante. L’accent doit alors être porté sur la protection phytosanitaire contre le mildiou afin de permettre un bon aoûtement et une bonne mise en réserve.

Comment retailler la vigne après des dégâts de grêle précoce ?

L’objectif de cette taille est de maintenir 4 à 5 pousses vigoureuses par souche :

  • dans le cas de vignes conduites en Cordon de Royat ou en gobelet, la retaille est facilité puisqu’il suffit de sectionner au sécateur les rameaux à un demi centimètre du bois du courson. Il est également possible sur les coursons de rabattre au sécateur le bourgeon du haut du courson de façon à faire démarrer le bourrillon. Après le nouveau débourrement, on veillera à surveiller le nombre de nouvelles pousses et à en supprimer si nécessaire
  • sur les vignes taillés en Guyot simple ou double, il faut rabattre les longs bois en laissant 2 à 3 bourgeons à leur base. Les bourgeons verts mais pelés par la grêle sont rabattus au sécateur à un demi centimètre. C’est le cas notamment des pousses vertes pelées portées par les coursons

Aucune fertilisation azotée n’est nécessaire, car l’azote apporté ne sera pas disponible au moment du redémarrage des yeux et pourrra accentuer la casse (vent) et les risques de Botrytis. Pour la même raison, il faut surveiller le développement de la végétation et la palisser le plus soigneusement possible.

Que faire à la taille sur les vignes fortement grêlées en été ?

Lors de la taille des vignes grêlées, qui doit être réalisée le plus tardivement possible, plusieurs précautions doivent être prises :

  • sur les plantations de l’année : l’aoûtement des sarments n’étant pas toujours satisfaisant, on peut éventuellement butter les jeunes plantations afin de les protéger du gel
  • sur les vignes âgées de 2 à 3 ans : l’évaluation des dégâts se fait en enlevant les lambeaux d’écorce du jeune tronc. Si les lésions arrivent jusqu’au bois et que la nécrose est constatée, il ne faut pas hésiter à rabattre le tronc de 2 à 3 bourgeons au-dessus du sol pour reconstruire un nouveau tronc
  • sur les vignes adultes : les dégâts concernant uniquement les sarments, ceci peut poser des problèmes à la taille. Les ébauches de fleurs se différenciant dans les bourgeons de juin à juillet, les grêles de fin juillet ou d’août n’auront peu de conséquences sur la fertilité de l’année suivante. On essaiera de conserver sur les tailles courtes, les coursons peu ou pas blessés. Pour les vignes taillées en Guyot, il est assez facile de trouver un long bois peu ou pas blessé par les grêlons. Il est également possible de passer en Cordon de Royat pour une an-née.

Dans quelles situations faut-il traiter une vigne grêlée et avec quels fongicides ?

Il est habituel de traiter une vigne grêlée afin d’empêcher le développement du Rot-Blanc (Coniothyrium diplodiella), un champignon parasite présent sur le sol. Les spores de ce champignon, émises par des pycnides blanches, peuvent être projetées par les éclaboussures de la grêle sur des blessures de raisins. Les spores germent et produisent un mycélium, qui envahit la baie et les baies voisines par le canal de leur pédoncule. La grappe entière finit par sécher et les grains momifiés sont recouverts de pustules blanches. Après la chute de grêle, il faut traiter dans un délai très court (idéalement moins de 12 heures) car, au-delà de 20 heures, le traitement est sans effet sur le champignon parasite. Il est préférable de commencer le traitement sur les vignes peu atteintes et de terminer par les parcelles les plus endommagées. Lorsqu’il est impossible d’intervenir dans ce délai, il est préférable d’attendre qu’une nouvelle végétation se soit développée à partir des entre-coeurs. Le traitement doit être réalisé par un fongicide de contact, préférentiellement du folpel, du dichlorofluanide ou du captane. Le cuivre, qui ne possède pas d’effet cicatrisant et va freiner la croissance des rameaux est à éviter. Le meilleur allié du vigneron reste cependant la météo et un temps chaud et sec qui stoppera le développement du rot-blanc.

D’une manière générale, les vignes grêlées précocément, retaillées ou non, nécessitent une surveillance accrue contre le mildiou et l’oïdium, jusqu’aux vendanges et au-delà. Afin de permettre un bon aoûtement, le feuillage doit rester fonctionnel jusqu’à l’automne. De plus, la végétation qui repousse est extrêmement sensible aux parasites (jeunes pousses souvent vigoureuses, qui se développent dans des périodes de fortes pressions des maladies).

Malheureusement, on observe parfois le cumul de plusieurs épisodes de grêle la même année, jusqu’à trois fois sur certaines zones (comme en 2009). En cas de températures hivernales exceptionnellement basses et durables, il peut arriver que certaines souches ne redémarrent pas. Cette situation s’explique par une dernière repousse estivale très tardive de la végétation, épuisant les réserves des souches. Le cycle trop court de la végétation n’ a alors pas permis de reconstituer les réserves avant l’automne.

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