REDUCTION DE L’EMPREINTE CARBONE D’UN V.I.E. 
Scénarii et leviers évalués avec l’outil GES&Vit

 

Les entreprises vitivinicoles recherchent des leviers pour diminuer et compenser leurs émissions carbone. Ces objectifs de réduction font partie de l’ADN des Vignobles Innovants Eco-responsables – V.I.E. dédiés à Vin De France. Les principaux postes d’émission de carbone dans un V.I.E. et les leviers pour les réduire dès demain ou à plus long terme sont décrits dans cette fiche technique.

Réduction et compensation, quelle différence ?

La démarche de réduction de l’empreinte carbone viticole peut s’envisager de deux manières. Prioritairement, on cherche à réduire les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. Les émissions directes sont liées à l’activité viticole sur la parcelle, par exemple la combustion de carburant par le tracteur. Les émissions indirectes sont liées à l’amont de la production viticole, par exemple la fabrication des produits phytosanitaires et des engrais.

Dans un second temps, il est également possible de chercher à compenser ces émissions de gaz à effet de serre par le biais de la séquestration de carbone dans les sols et grâce à la biomasse vivante. Les mécanismes de séquestration sont divers et ne peuvent être comptabilisés que s’ils s’inscrivent sur le long terme : stockage dans le bois (haies, plantations d’arbres…), stockage dans le sol via la matière organique.  Toutefois, il convient ici de rappeler que toute augmentation du stock de carbone dans les sols ou dans la biomasse est réversible en cas d’arrêt des pratiques, annulant l’effet bénéfique du stockage. La compensation des émissions par séquestration ne saurait donc remplacer une démarche de réduction des émissions générées.

Quelle méthodologie pour quantifier l’empreinte carbone d’une parcelle viticole ?

L’IFV a développé GES&Vit pour évaluer l’empreinte carbone d’une parcelle viticole, qui intègre les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. Avec cet outil, les émissions de gaz à effet de serre pour une parcelle V.I.E. de référence sont ainsi calculées. L’itinéraire technique considéré est le suivant :

  • Taille mécanique (taille rase précise TRP) ; 
  • Apports azotés soutenus de l’ordre de 80 kg d’azote par hectare et par an, dont 40 kg apportés au sol sous forme organique, et 40 kg sous forme minérale apportés de façon fractionnée par fertirrigation ;
  • Couverts végétaux sur tous les inter-rangs (alternance d’engrais verts et d’enherbement permanent) ;
  • Outil d’aide à la décision pour les traitements phytosanitaires.

Cette étude se positionne dans le contexte pédoclimatique de l’Aude, où sont actuellement situés les deux sites pilotes V.I.E.

Quels sont les principaux postes d’émissions de carbone dans un V.I.E. ?

Les sorties de l’outil GES&Vit pour une parcelle V.I.E. de référence sont présentées dans la Figure 1. Les valeurs positives correspondent aux émissions de gaz à effet de serre générées par les différentes actions réalisées sur, ou en amont de, la parcelle, et les valeurs négatives correspondent à la capture de carbone dans les sols liée à l’ensemble des opérations impactant la matière organique. Le bilan net est la différence entre les émissions de gaz à effet de serre et la capture de carbone, il correspond à l’empreinte carbone de la parcelle.

 

Figure 1 – Synthèse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de stockage de carbone, présentée par poste d’émissions, pour une parcelle V.I.E. de référence, suivant l’itinéraire technique décrit en Question 2. Calculs réalisés avec GES&Vit.

4 principaux postes d’émissions se démarquent :

  1. Le poste carburant – parcelle, lié à la fabrication et combustion du GNR utilisé sur la parcelle, représente 29% des émissions de la parcelle. L’utilisation du tracteur est un poste conséquent, notamment du fait de l’énergie nécessaire pour les différents travaux réalisés (travail du sol, taille, broyage…) ;
  2. Les émissions de N2O au champ (30%) : le N2O, appelé protoxyde d’azote ou monoxyde de diazote, se dégage à cause des apports azotés (engrais azotés, engrais et amendements organiques, épandage de déjections animales…) et via les actions de gestion des couverts végétaux comme la tonte ou la destruction, qui activent les réactions de nitrification-dénitrification. Il est l’un des principaux gaz à effet de serre de l’agriculture. Ce poste d’émissions de N2O est important sur un V.I.E., du fait de la fertilisation élevée et des actions régulières de gestion des couverts végétaux ;
  3. La fabrication des engrais / amendements (12%) : la quantité élevée d’engrais joue fortement sur l’empreinte carbone du V.I.E. ;
  4. La mise en place de la parcelle (12%) : correspondant à la plantation, et à la fabrication des éléments de palissage, amortie sur la durée de vie de la parcelle.

Il faut retenir que pour un modèle V.I.E de référence, les engrais et amendements, conséquents pour soutenir un rendement élevé et stable, associés aux actions de gestion des couverts, représentent la plus grosse part de l’empreinte carbone de la parcelle.

 

A noter : le stockage du carbone (valeurs négatives sur le graphique) est expliqué par la restitution des sarments au sol et la présence de couverts végétaux (enherbement et engrais verts) pris en compte dans l’itinéraire technique du modèle V.I.E. considéré.

Quels scenarii envisager à court terme pour diminuer l’empreinte carbone d’un V.I.E. ?

Itinéraire « Bas Carbone »

Un itinéraire « Bas carbone » est proposé, intégrant ces trois leviers à l’itinéraire technique de la parcelle V.I.E. de référence décrite en Question 2, afin de quantifier la diminution des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation du stockage de carbone qu’ils permettent. Les résultats sont présentés dans la Figure 2.

Le bilan net diminue de plus de moitié (-60%), avec une réduction de 3% des émissions grâce aux couplages des interventions, et un stockage dans le sol nettement augmenté avec l’utilisation de fumier et la plantation de haies arbustives à raison de 90 mètres linéaires par hectare.

Pour une parcelle déjà en place, il existe plusieurs leviers d’intérêt relativement simples à mettre en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou augmenter le stockage du carbone à court terme.

Privilégier le fumier aux engrais azotés

L’utilisation de fumier est un premier levier conséquent car il apporte de l’azote pour les vignes, mais aussi du carbone issu des pailles et autres matières végétales mélangées aux déjections animales, dans le sol. Si le fumier ne permet pas de réduire les émissions, il permet cependant de fertiliser la vigne, d’amender le sol et d’en augmenter le stock de carbone. On peut donc chercher à remplacer les apports d’engrais au sol par du fumier, en veillant à apporter la même quantité d’azote.

Coupler ses interventions

Le regroupement des interventions mécanisées est aussi un moyen de diminuer le nombre de passages, ce qui permet de diminuer directement les émissions à la parcelle. Cela demande une bonne maîtrise technique, de l’anticipation et de l’adaptation en fonction des millésimes. On peut par exemple associer un rognage avec une tonte, un écimage précoce avec un traitement en encadrement de la fleur.

Planter des haies

Les haies sont un des moyens conséquents pour stocker du carbone dans la biomasse de la haie, mais aussi dans le sol qu’elle enrichit en matière organique. Il est généralement difficile d’implanter une haie par manque d’espace une fois la vigne en place. Il est donc proposé de cibler des haies de petit gabarit de type arbustif, en tour de parcelle.  

Figure 2 – Synthèse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et stockage de carbone, présentée par poste d’émissions, pour une parcelle V.I.E. suivant le scénario « Bas carbone ». Calculs réalisés avec Ges&Vit.

N.B. : Le stockage de carbone pour les haies est évalué selon la Méthode Haies du Label Bas Carbone. Les calculs se basent sur une haie plantée à partir d’un sol nu, qui ne sera pas arrachée et dont la croissance ne sera pas excessivement limitée. Dans tous les cas, selon son mode de gestion et les essences plantées, chaque haie stocke une quantité de carbone qui lui est propre.

Et pour aller encore plus loin ? 

A moyen et long termes, il est possible de réduire considérablement l’empreinte carbone d’un V.I.E. en associant au scénario « Bas Carbone » précédent, des mesures plus marquées dès la plantation.

Remplacer le palissage acier par du palissage bois

Il est conseillé de remplacer les piquets de tête et intermédiaires en acier par des piquets en bois. Dans le cadre d’un palissage pour le V.I.E., le plus important est d’avoir une forte rigidité du système (voir la Fiche Pratique n°2 « Le palissage d’un V.I.E. »). Il est important de veiller à choisir des piquets en bois résistants, imputrescibles, et d’une largeur adaptée pour avoir une bonne rigidité, sans gêner la taille mécanisée. Les émissions de gaz à effet de serre sont ainsi réduites au stade de la fabrication des piquets.

Planter des haies pluristrates en tour de parcelle, et des haies arbustives intraparcellaires
L’ilot V.I.E. est composé de plusieurs parcelles de différents cépages. Chaque ilot peut être encadré avec des haies pluristrates, et morcelé en ajoutant des haies arbustives intraparcellaires. Les haies pluristrates sont de gabarits plus importants que les haies arbustives. Elles contiennent des arbres de haut jet et des arbustes hauts et bas, qui composent une strate haute et une strate intermédiaire plus ou moins présente. Chaque type de sol et de conditions climatiques détermineront le choix des essences.

Utiliser une traction électrique

Le poste « carburant – parcelle » fait partie des plus élevés pour l’empreinte carbone (Figure 1) d’une parcelle V.I.E. Il est donc intéressant d’envisager d’autres types d’énergie pour la traction. Les tracteurs électriques sont en développement sur le marché, mais sont actuellement disponibles seulement pour les parcelles en vignes étroites. Ce levier sera donc envisageable sous réserve que le développement de ce type de tracteur se fasse aussi pour vignes larges. Parallèlement, la robotique viticole offre la possibilité de réaliser certaines opérations au vignoble (travail du sol notamment) et ainsi limiter la consommation de carburant.

Itinéraire « Bas Carbone + »

L’itinéraire « Bas carbone + » intègre les leviers de l’itinéraire Bas Carbone décrit précédemment, ainsi que les trois leviers décrits ci-dessus (palissage bois, traction électrique, intensification des plantations de haies). Les résultats des calculs pour cet itinéraire sont présentés en Figure 3.

Les émissions de gaz à effet de serre diminuent de 28%. Avec des plantations de haies arbustives intra-ilot de l’ordre de 150 mètres / hectare, et des haies pluristrates en tour d’ilot de 90 mètres / hectare, les émissions restantes sont compensées totalement par stockage dans les sols et la biomasse vivante, pour obtenir un bilan net inférieur à zéro.

Figure 3 – Synthèse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et stockage de carbone, présentée par poste d’émissions, pour une parcelle V.I.E. suivant le scénario « Bas carbone + ». Calculs réalisés avec Ges&Vit.

Et en aval de la filière, comment agir ?

L’amont viticole représente environ 18% de l’empreinte carbone d’une bouteille de vin achetée par le consommateur. Bien que cela corresponde à une part conséquente, d’autres leviers doivent être actionnés en aval de la filière pour diminuer l’empreinte carbone de la bouteille. Le procédé de vinification représente environ 8%, la fabrication de la bouteille en verre varie de 21% à 50%, et le transport représente en moyenne 19% (source : ADEME, Alko, BIVB, CIVB, CIVC, IFV, Nomacorc, OIV et Verallia sur l’empreinte carbone de la filière vin).

Quelques pistes de diminution des émissions de gaz à effet de serre peuvent être suggérées post-vendange : changer le type de verre en évitant les verres transparents, diminuer le poids de la bouteille en affinant le verre, mettre en place des systèmes de consignes, utiliser d’autres contenants comme les canettes en aluminium, les Bag-In-Box, faire du transport en vrac, développer les chais avec systèmes gravitaires, etc.

Pour conclure

Ces éléments permettent de comprendre les grands postes de l’empreinte carbone d’une parcelle en V.I.E., et d’envisager les leviers pour réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs mécanismes entrent en jeu et tous n’ont pas le même impact. Plusieurs des pratiques présentées apportent de multiples bénéfices qui sont aussi à considérer dans un projet V.I.E. : apport de matière organique dans le sol, biodiversité dans et autour de la parcelle… La gestion du sol est un sujet à part entière, notamment pour les questions d’appauvrissement des sols en matière organique et de fonctionnement pérenne du sol pour la culture. L’empreinte carbone n’est donc pas le seul indicateur à considérer dans une démarche éco-responsable, bien qu’il représente un réel défi vis-à-vis du changement climatique.

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