L’AGROFORESTERIE

Partant d’un héritage datant du Moyen-Âge et s’inspirant des aménagements arborés « modernes » développés notamment en grandes cultures, de nouvelles formes d’agroforesterie spécialisées pour la viticulture ont émergé ces vingt dernières années. Ces formes d’agroforesterie viticole contemporaines revêtent divers aspects et présentent des intérêts d’un point de vue sociétal (impact minimal sur les ressources naturelles), d’un point de vue environnemental (maintien de la biodiversité) et d’un point de vue économique. Il est néanmoins essentiel d’évaluer la pertinence de ces systèmes agroforestiers dans différents contextes viticoles aux exigences de production diverses.

Qu’est-ce que l’agroforesterie viticole ?

L’agroforesterie est l’association d’arbres et de cultures sur une même parcelle agricole, en bordure ou en plein champ. En viticulture, cette pratique présente des caractéristiques d’innovation qui répondent aux principes de l’agro-écologie. Les atouts mis en avant pour justifier cette pratique sont nombreux et concernent des services potentiels comme l’amélioration de la biodiversité aérienne ou du sol, la modification du climat de la parcelle et des relations température-humidité-vent, des effets sur la structure des sols mais également la valorisation de la biomasse produite par les arbres sous forme d’énergie, de stockage de carbone, de bois d’œuvre. Enfin, les apports de la vitiforesterie en termes d’image pour le vignoble et son paysage sont aussi des éléments d’intérêt.

L’agroforesterie viticole contemporaine cherche à s’adapter aux contraintes de la viticulture moderne, notamment au gabarit des équipements pour l’entretien et la protection de la végétation ou pour la mise en œuvre de la récolte mécanisée.
Il existe à l’heure actuelle différents types d’aménagement : rangées d’arbres intercalées entre rangs de vigne, haie arbustive en bordure de parcelle ou s’intercalant entre îlots de vigne, arbres isolés plantés au sein du rang de vigne.
Diverses essences d’arbres ou d’arbustes peuvent être choisies en fonction de l’objectif de l’exploitant.
Enfin, il existe aussi la possibilité de diversifier l’agencement des parcelles avec notamment les écartements entre les lignes d’arbres et la distance aux rangs de vigne.

Quel est l’impact de l’agroforesterie sur le microclimat de la vigne ?

L’implantation d’arbres au sein d’une parcelle de vigne va avoir un impact sur son microclimat. 3 types de mécanismes entrent en action.

  • Ombrage et autres effets radiatifs : il va s’exercer sur une distance de 1 à 2 fois la hauteur de l’arbre et impacter environ 2 rangs de vigne au nord de l’arbre.
  • Modification de la circulation de l’air : la diminution de la turbulence est effective sur une distance de 2 à 4 fois la hauteur de l’arbre dans l’axe des vents dominants. La présence d’arbres isolés intra-parcellaires, notamment lorsqu’ils sont dégarnis à la base, peut contribuer à accroître les flux turbulents et entrainer une atténuation des pics de température l’été, et une réduction de la durée d’humectation foliaire (Thèse Juliette Grimaldi, 2019).
  • Modification du cycle de l’eau à proximité : le recyclage des ressources hydriques profondes vers l’atmosphère se produit, entrainant une augmentation de l’humidité relative et un refroidissement de l’air. L’eau se retrouve prise au piège par condensation de l’humidité (rosée) et la pluie est interceptée (3-5mm).

Comment maitriser les compétitions entre les arbres et la vigne ?

Pour qu’une parcelle agricole soit considérée en agroforesterie, elle doit contenir moins de 100 arbres par hectare. En viticulture, il est conseillé de se cantonner à une faible densité soit entre 30 et 40 arbres par hectare. Dans ce type de configuration, il n’y a pas de compétitions mises en évidence sur les 10 premières années de co-plantation (projet Vitiforest).

Il existe divers leviers pour maitriser les compétitions entre les arbres et la vigne :

  • Par la gestion des arbres : afin de limiter l’ombrage mais aussi le développement racinaire, plusieurs techniques existent : réduction du système aérien en hiver (et par conséquent diminution du réseau racinaire) par étêtage de l’arbre tous les 5 à 10 ans (trogne), élagage du houppier en vert pour limiter la transpiration donc l’évaporation de l’eau, cernage racinaire par passage d’un outil à dent tous les 3 ans pour limiter  le développement des racines en direction de la vigne.
  • Par l’adaptation de l’entretien du sol de la vigne : le pourcentage d’enherbement à la parcelle doit être ajusté en fonction des objectifs de production (enherbement tous les inter-rangs, un inter-rang sur deux…). Le recours à des couverts temporaires de type « engrais verts » peut également être une solution afin de limiter la lixiviation des nitrates, tout en enrichissant le sol en matière organique. Un couvert à base de légumineuses présente l’avantage de fixer l’azote atmosphérique, enrichissant d’autant plus le sol.
  • Par les techniques viticoles classiques : des techniques de fertilisation ciblées peuvent être mises en œuvre pour palier la concurrence, notamment pour les rangs de vigne proches des lignes d’arbres. Les actions peuvent s’envisager en mode localisé au sol sur un rang travaillé ou par voie foliaire à différents stades du cycle de la vigne. Les phénomènes de compétition hydrique peuvent être compensés grâce à des techniques telles que l’irrigation ou la fertirrigation.

Quels sont les impacts des arbres sur la biodiversité ?

L’agroforesterie apporte une diversité botanique et une strate de végétation supplémentaire créant de nouvelles niches écologiques.
Le projet Vitiforest a permis de montrer que l’introduction de l’arbre n’a pas d’effets forts et homogènes sur la répartition des ravageurs (Cicadelles vertes) et des arthropodes. Elle a cependant un impact sur l’abondance de lombrics, en raison de la présence d’enherbement, et sur l’abondance de certains taxons microbiens.

Comment aménager une parcelle de vigne en agroforesterie ?

Plusieurs types de formations arborées sont possibles en fonction des contraintes de production et des attentes du viticulteur : arbres isolés, situés en bordure de parcelle ou intercalés entre les rangs de vigne, alignés, formant des haies ou des bosquets.
Il est par exemple conseillé de privilégier une haie en bord de parcelle afin de limiter les effets de vents latéraux ou les phénomènes de dérives lors des pulvérisations. Une diversité d’espèces végétales et de formes arborées permet, elle, de créer des ressources et des habitats pour la biodiversité et la faune auxiliaire.

Il est recommandé de privilégier les orientations Nord-Sud pour limiter et équilibrer l’ombrage des arbres portés sur la vigne. Il est essentiel de prévoir une distance minimale de 3m (idéalement 4m) entre la ligne d’arbres et le premier rang de vigne, et d’essayer de viser une distance de 25 à 30m entre chaque ligne d’arbres. La distance des arbres sur la ligne dépend de la densité visée, qui doit rester faible (30-50 tiges/ha). Enfin, il faut penser à respecter les tournières en bout de rangs pour les manœuvres d’engins.

La conduite des arbres dès les premières années est primordiale. Pour les arbres isolés, il s’agit de former le tronc et de le dégager de ses branches sur une hauteur d’au moins 2m, idéalement sur 5 ou 6m. Pour les haies, il s’agit d’assurer une contention horizontale pour éviter leur développement dans l’inter-rang de vigne.
L’ombrage apporté par les arbres peut être limité en taillant en forme de têtard, ce qui permet de dégager leur couronne tous les 5 à 10 ans.

Comment choisir ses essences et les mettre en place sur sa parcelle ?

Le choix de ses essences doit s’effectuer en tenant compte de plusieurs facteurs tels que le terroir, les conditions pédo-climatiques et l’hétérogénéité de la parcelle. Il est important de choisir des espèces d’arbres rustiques et avec un feuillage léger peu concurrentiel pour la lumière. Favoriser une diversité d’espèces permet d’abriter une faune auxiliaire plus variée. Les objectifs de valorisation du viticulteur (bois d’œuvre, de chauffage, fruits, etc.) peuvent également orienter ce choix.

Une bonne préparation du sol permet d’assurer un enracinement et un développement optimal des jeunes arbres. Un sous-solage, puis un affinage en surface sont possibles, de préférence à l’automne avant la plantation des arbres en hiver ou au début du printemps.

Un paillage peut être déposé sur une surface de 1m² autour des jeunes arbres pour limiter la concurrence herbacée et conserver l’humidité du sol. Chaque arbre peut être protégé par une protection contre les cervidés de 1,2m de hauteur.

Une vigilance particulière doit être apportée concernant la maladie du pourridié. En effet, de très nombreuses espèces ligneuses peuvent héberger notamment le champignon Armillaria mellea (responsable du redoutable « pourridié agaric »), et l’introduction d’arbres au sein des parcelles viticoles fait courir un risque important de développement de la maladie à terme.

Les pourridiés sont des affections à développement lent, mais dont la persistance dans le sol est très importante ; des ronds de symptômes et de mortalités se développent fréquemment aux mêmes endroits, plantation après plantation, et l’assainissement des zones touchées s’avère très difficile même si des repos du sol importants sont respectés entre deux plantations. Chênes et arbres fruitiers (pêchers notamment) font partie des essences les plus risquées concernant le développement de pourridiés, mais de nombreuses autres espèces forestières ou fruitières sont également concernées.

Y a-t-il une règlementation spécifique pour l’agroforesterie viticole ?

Du point de vue règlementaire, des arbres peuvent être présents au sein d’une parcelle de vigne ou peuvent y être intégrées, sauf si le cahier des charges d’une appellation (AOC, IGP) l’interdit. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de règlementation nationale concernant l’inscription et les déclarations des parcelles agroforestières viticole au Casier Viticole Informatisé (CVI). Il est de la responsabilité du viticulteur de se rapprocher du service de l’administration des douanes dont dépend son exploitation. A minima, il faut conserver des îlots de 10 ares de vignes entre chaque alignement d’arbres. Les aides à la plantation sont basées sur les surfaces réelles en vigne, sans prise en compte des surfaces occupées par les arbres (source : FranceAgriMer).

Quel coût représente ce type d’aménagement ?

Le prix unitaire et global d’un arbre intra-parcellaire planté et protégé est de 18€ HT et se décompose de la manière suivante : fournitures (plants, paillage, protection cervidés, tuteurs) à hauteur de 7,30€ ; travaux (préparation du sol, pose du paillage, des protections et plantation) à hauteur de 5,20€ et ingénierie du projet et suivi sr 3 ans à hauteur de 3,50€.

CONTACT

Laure Gontier
laure.gontier@vignevin.com

 

 

 

Thierry Dufourcq
thierry.dufourcq@vignevin.com

 

 

 

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