L’ESCA

Connue des Grecs et des romains, l’Esca est la plus ancienne des maladies décrites sur la vigne. Il s’agit de l’une des plus graves puisqu’elle s’attaque à la charpente de la souche.

Quels sont les symptômes de l’Esca ?

Symptômes sur feuilles

Les symptômes de la tigrure des feuilles caractérisant la forme lente de l’esca  apparaissent autour de la véraison et se manifestent régulièrement durant toute la période végétative. Ils touchent soit toute la plante, soit un seul bras, ou encore quelques rameaux. Ce sont les feuilles de la partie inférieure qui sont touchées les premières. Il convient de noter l’extrême variabilité de l’expression des symptômes d’une année sur l’autre. En effet, un pied malade une année peut très bien, l’année suivante, apparaître sain.

Chez les cépages blancs, les symptômes foliaires sont caractérisés par la présence de petites taches de couleur jaune, plutôt laiteuses, à la surface du limbe, et de taches nécrotiques délimitées par un liseré de couleur jaune laiteux, le plus souvent en bordure de la feuille. A des stades plus avancés, les nécroses sont plus importantes, ne laissant qu’une bande verte le long des nervures principales, ce qui donne un aspect tigré à la feuille. Chez les cépages noirs, les mêmes symptômes sont observés à la différence que des taches rouge clair sont également présentes à la surface du limbe. Elles cernent aussi toutes les zones nécrotiques et sont séparées des tissus verts par un liseré de couleur jaune laiteux.

Symptômes sur fruits

Les symptômes sur fruits se traduisent soit par un retard dans leur maturation, soit par leur flétrissement. Les fruits peuvent aussi présenter des taches brun violacées à leur surface. Ces symptômes sont en association ou non aux symptômes foliaires. Ce faciès, appelé Black Measles, est observé en France, plus particulièrement en Alsace.

Quelles différences avec le BDA ?

Plusieurs critères permettent de distinguer la forme lente de l’esca à celle du Black dead arm.

  • La date d’apparition des symptômes : les premiers symptômes apparaissent à partir de la floraison pour le Black dead arm alors que pour l’esca, ils n’apparaissent qu’autour de la véraison.
  • L’intensité des couleurs des taches sur les feuilles : pour les cépages blancs, le jaune est vif pour le BDA alors que pour l’’esca il est plutôt blanc. Pour les cépages noirs, il n’y a pas de jaunissement sur les feuilles et le rouge est beaucoup plus foncé. Cette distinction est difficile à effectuer à partir de la véraison en raison de l’éclaircissement des tissus. Le rouge vineux devient rouge clair et le vert prend une teinte jaune clair.

Concernant la forme apoplectique, il n’est pas possible de les distinguer sans couper les ceps. Cette forme d’expression est non spécifique à une maladie.

Qu’est-ce que la forme dite apoplectique de l’Esca ?

Elle touche isolément les ceps au milieu de l’été, chargés de fruits qui se dessèchent en l’espace de quelques jours. Cette forme est souvent confondue avec la forme sévère du black dead arm qui, contrairement à l’esca, se traduit par une défoliation des rameaux avant leur dessèchement. Elle peut être également confondue avec les dessèchements provoqués par d’autres maladies telles le pourridié, l’eutypiose… ou par des problèmes plus physiologiques tels l’étranglement du porte-greffe, de très mauvaises tailles,… L’apoplexie est observée selon certaines conditions climatiques, notamment lors de périodes de sécheresse ou de fort vent. Elle est due au fait que l’évapotranspiration trop forte durant ces périodes n’est plus compensée par un afflux en eau suffisant car il ne reste plus qu’une faible quantité de bois fonctionnel.

Quels sont les symptômes caractéristiques de l’Esca au niveau du bois ?

L’esca se caractérise dans le bois par une pourriture blanche appelée communément amadou. Ce bois friable et de couleur clair est le résultat de l’action de champignons basidiomycètes qui ont la particularité de se développer à partir de nécroses provoquées par d’autres champignons. Ces nécroses, soit en position centrale, soit en position sectorielle, commencent très souvent par des plaies de taille.

Quels sont les champignons associés à l’Esca ?

Se traduisant par la présence d’une pourriture blanche (amadou) dans le bois et le déclin de la souche pouvant aller jusqu’à son apoplexie, l’esca fait intervenir plusieurs champignons :

  • Phaeomoniella chlamydospora et Phaeoacremonium minimum, se développant dans une nécrose brune en position centrale,
  • Eutypa lata (agent de l’eutypiose) responsable de la nécrose brune en position sectorielle,
  • et des champignons Basidiomycètes dont le plus souvent rencontré en France est Fomitiporia mediterranea. Ces champignons colonisent les nécroses provoquées par les champignons cités ci-dessus.

La conservation des champignons se fait sur ceps malades ou morts, mais d’autres espèces ligneuses peuvent abriter ces champignons. La dissémination des spores de Phaeoacremonium minimum semble s’effectuer pendant la période végétative, alors que celle de Phaeomoniella chlamydospora et d’Eutypa lata s’effectue toute l’année. La contamination se fait notamment via les plaies de taille lors de périodes douces et pluvieuses.

Quelle méthode de lutte chimique ou biologique contre l’Esca ?

Aujourd’hui, peu de spécialités sont disponibles pour lutter contre l’esca. Une préparation phytopharmaceutique ne peut être mise sur le marché que si elle a reçu une autorisation du Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. L’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) est délivrée pour un usage précis. Elle inclut une évaluation des bénéfices (efficacité), ainsi que des risques pour l’applicateur, le consommateur et l’environnement. Comme la liste des produits homologués évolue en permanence, il est conseillé de consulter le site https://ephy.anses.fr. Il permet également de connaître les moyens de protection recommandés pour chacune des spécialités.

A ce jour, il n’existe pas de méthode de lutte chimique validée au vignoble. Le seul produit homologué était l’arsénite de sodium. Il a été interdit depuis novembre 2001, en raison de ses effets toxiques sur la santé humaine. Une étude réalisée par la MSA en 2000, avait montré que les protections utilisées n’étaient pas suffisantes pour assurer une bonne protection des utilisateurs.

En lutte biologique, deux produits à base de Trichoderma ont été homologués pour l’esca/BDA en protection des plaies de taille (Esquive de chez Agrauxine, Vintec de chez Belchim). Les produits de protection à usages généraux sont également utilisables

Article sur les travaux de recherche sur l’arsenite de soude

Quelles méthodes de lutte prophylactique contre l’Esca ?

Ce sont les seules méthodes de lutte. Il est important de les mettre en place dès la plantation :

  • Ne pas effectuer de rendements importants les premières années dans le cas de nouvelles plantations. Des rendements trop conséquents peuvent être très préjudiciables pour leur pérennité et favoriser l’apparition de symptômes précoces.
  • Maîtriser la vigueur en adaptant la conduite de la vigne et la fertilisation. Une vigueur trop importante est un facteur favorable à l’expression de la maladie. Dans le cas de nouvelles plantations, il faut raisonner au mieux le choix du porte-greffe et soigner le plantier pour limiter les excès de vigueur.
  • Eviter les charges excessives. Une vigne trop productrice est de manière générale plus sensible à la maladie.
  • Enlever les  souches mortes de la parcelle.
  • Restaurer les pieds malades (recépage, regreffage, curetage).

Une expérimentation menée au Lycée agricole de Saintes, mise en place en 1990 par le groupe de travail Eutypiose Charentes et suivie par la Station Viticole du BNIC a montré l’inefficacité de la taille tardive réalisée en période de pleurs à l’égard de l’esca et du BDA. En effet, les ceps suivis présentent autant de symptômes foliaires caractéristiques de ces maladies lorsqu’ils sont taillés en période de repos ou de pleurs. Malgré la protection hivernale assurée par les sarments et la protection mécanique des pleurs, ces champignons possèderaient la capacité de pénétrer par les plaies de taille après la période de pleurs ou l’aptitude à contaminer d’autres plaies réalisées lors des opérations en vert (épamprage ou ébourgeonnage). La taille tardive s’avère par contre une méthode prophylactique très efficace dans la lutte contre l’eutypiose. La Station Viticole du BNIC a également montré que même s’ils possédaient une certaine efficacité dans la protection des plaies de taille face à l’eutypiose, les mastics ou encore l’escudo (interdit depuis 2007), s’avéraient sans efficacité sur l’expression des symptômes foliaires d’esca ou de BDA.

L’Esca peut-elle se transmettre par les outils de taille ?

Une étude menée par l’IFV entre 2004 et 2006, a montré que l’un des champignons pionniers de l’Esca (Phaeoacremomium minimum) ne se propageait pas par les sécateurs. Cette étude vient confirmer des observations déjà réalisées par l’INRA de Bordeaux entre 1997 et 2002 pour un autre champignon pionnier (Phaeomoniella chlamydospora). La désinfection des outils de taille entre chaque pied pour empêcher les contaminations par les champignons responsables de l’Esca, apparaît ainsi complètement inutile. A signaler toutefois que cette opération reste indispensable sur les parcelles atteintes de nécrose bactérienne.

Quelle est l’importance des champignons responsables de l’Esca en pépinières ?

Des enquêtes réalisées auprès des pépiniéristes du Sud-Est et du Sud-Ouest ont montré que les plants, à la sortie de la pépinière hébergeaient la plupart des champignons associés aux maladies du bois. Leur présence dans les plants est plus ou moins importante selon les lots analysés, en fonction du matériel végétal et/ou du processus de fabrication des plants. Les pépiniéristes ne disposent à ce jour d’aucun moyen leur permettant de trier les bois contaminés pour les éliminer. Les étapes-clés du processus d’élaboration des plants, au cours desquelles se produisent les contaminations ont pu être identifiées : il s’agit des étapes de réhydratation et de stratification qui se déroulent dans des conditions chaudes et humides, particulièrement favorables à la croissance des champignons impliqués. Parmi les différentes méthodes de désinfection testées à ce jour, seul le traitement à l’eau chaude effectué dans les conditions préconisées dans le traitement du phytoplasme de la flavescence dorée (45 minutes à 50°C) a montré des résultats intéressants. Certains champignons y sont sensibles et ainsi éliminés des plants. Cependant, le suivi de parcelles dans le vignoble montre que le traitement à l’eau chaude n’a aucune influence sur l’expression de la maladie en raison de nouvelles contaminations dans le vignoble.

Deux autres stratégies qui permettraient de limiter la présence des champignons associés aux maladies du bois dans les plants (greffes-boutures herbacées, choix du matériel végétal à l’entrée de la pépinière) ont été évaluées par notre institut. Il ressort de cette étude :

  • qu’aucune modification du statut sanitaire des plants ne peut être espérée par la mise en œuvre de mesures de sélection, même drastiques, des boutures, greffons et porte-greffes. Le déclassement éventuel d’une parcelle pour la production de matériel végétal en raison de ses taux élevés de mortalité ou de maladie ne semble pas nécessaire. Il ne paraît pas utile non plus de marquer les ceps malades pour éviter de prélever les greffons selon ces études car les champignons sont autant trouvés sur les sarments malades ou non.
  • que la production de plants totalement exempts de champignons pathogènes ne serait vraisemblablement pas non plus significativement efficace dans la lutte contre ces maladies, étant donné les contaminations très rapides constatées sur le matériel. Les champignons proviendraient de parcelles avoisinantes ou d’autres plantes hôtes, il est connu que les champignons associés aux maladies du bois sont rencontrés chez un grand nombre de plantes ligneuses.
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