LA PRODUCTION DE PLANTS DE VIGNE EN PEPINIERES

Depuis l’invasion du phylloxera, suivi de la généralisation du greffage sur une variété résistante, les pieds de vigne sont le résultat de l’assemblage entre un porte-greffe et un greffon. Ces plants greffés-soudés sont produits par les pépiniéristes, qui assurent leur multiplication et leur commercialisation selon des normes très strictes. Ces plants présentent une sécurité maximale quant à leur identité génétique et leur état sanitaire.

Quelles sont les caractériques du matériel de greffage et des vignes mères ?

Le matériel végétal utilisé pour le greffage est issu de vignes mères de porte-greffes et de greffons :

  • les vignes mères de porte-greffes sont rarement palissées et sont établies en « tête de saule » au niveau du sol. Elles produisent des rameaux parfois très vigoureux, dont la longueur peut dépasser 10 mètres. Les bois récoltés considérés comme techniquement (et réglementairement) utilisables sont appelés « boutures greffables », ont un diamètre compris entre 6 et 12 mm, et peuvent être conditionnés de nombreuses manières : soit directement en fractions de diverses longueur selon les utilisations, soit en en paquets de 100 ou 200 sarments d’environ 1.10 m (« mètres greffables ») étiquetés et destinés à la vente aux pépiniéristes, qui les débiteront ensuite. Chaque fraction greffable est « talonnée » (base coupée sous l’emplacement d’un oeil éborgné), dévrillée et ébourgeonnée soigneusement afin d’éviter les repousses du portez-greffe. Ces opérations peuvent être effectuées intégralement à la main, ou à l’aide de machines (entraînement des bois par galets rotatifs, talonnage et coupe déclenchés par cellule, ébourgeonnage par couteaux mobiles en diaphragme s’adaptant automatiquement au calibre du sarment). La longueur des fractions débitées varie de 28 à 70 cm (plants « hautes tiges »).
  • les vignes mères de greffons certifiés sont en général des vignes à fruits, établies suivant un protocole rigoureux dans le but de minimiser les risques sanitaires (parcelle vierge de vigne depuis 12 ans minimum, utilisation obligatoire de plants de catégorie « base », isolement de 5 mètres minimum par rapport à toute autre vigne, etc.). Les sarments bien aoûtés, et de diamètre inférieur à 14 mm, sont récoltés et conditionnés en paquets de 100 ou de 200 unités, étiquetés à l’aide d’étiquettes réglementaires (de couleur bleue pour le matériel certifié). Ils sont ensuite débités en greffons, constitués d’une fraction de mérithalle de quelques centimètres surmontée d’un bourgeon (oeil).

Les vignes-mères de greffons et de prote-greffes font l’objet de contrôles sanitaires très stricts : tests ELISA (court-noué et enroulements) tous les 10 ans ; prospection annuelle pour les maladies à phytoplasmes (flavescence dorée, bois noir) et recensement de tout autre problème éventuel (bactériose, surveillance des maladies du bois…). En cas de flavescence dorée avérée, la parcelle est mise en quarantaine pendant 2 ans et le matériel végétal issu de cette parcelle en année n-1 doit obligatoirement être détruit ou traité à l’eau chaude (50°C ; 45 min). Ce traitement à l’eau chaude, qui engendre un surcoût important pour le pépiniériste, est de plus en plus utilisé sur le matériel végétal en entrée de pépinière et les plants en sortie. Ce traitement s’avère efficace contre les phytoplasmes, certaines bactéries et champignons mais est sans effet sur les virus. Réalisé dans les bonnes conditions et avec précautions, ce traitement n’engendre pas de mortalité. Un léger retard dans le débourrement a parfois été observé.

Vignes mères de porte-greffe et machine de préparation des bois (dévrillage, ébourgeonnage) chez les pépinières Daydé à Montans (81)

Qu’est-ce que l’étape de trempage ou de réhydratation ?

Après la récolte des bois (à partir de décembre), ces derniers sont conservés dans un local ou une chambre froide, idéalement à 5°C et saturée d’humidité (95%), pour éviter toute dessication et perte des réserves glucidiques des bois. Avant utilisation, on pratique une réhydratation du matériel végétal par trempage dans de l’eau pendant 24 heures en moyenne. Dans les bains de réhydratation, ou à part (étape supplémentaire), une désinfection peut être réalisée à l’aide de cryptonol (sulfate de quinoléine à la concentration maximale de 0,5 kg/hl). Le conditionnement, en bacs couverts ou sacs plastiques fermés et conservés au frais, se fait après égouttage. Des études réalisées par l’IFV Sud-Ouest ont montré que le trempage et la stratification étaient les étapes-clés du processus d’élaboration des plants, au cours desquelles pouvaient se produire des contaminations par certains champignons impliqués par ailleurs dans des maladies du bois (Esca et BDA). Les conditions chaudes et humides seraient particulièrement favorables à la croissance de ces champignons.

Comment se pratique le greffage ?

Le greffage consiste à assembler deux organismes vivants au moyen d’une soudure biologique. Le greffage sur place étant de moins en moins utilisé par les viticulteurs, l’esssentiel des opérations de greffage est réalisé sur table par greffe oméga dans 95% des cas. Cette technique ne demande aucune aptitude ni dextérité particulière. La coupe des greffons doit être executée le plus prêt possible de l’oeil. La greffe oméga s’effectue à l’aide de deux machines l’une assurant la découpe, l’autre l’assemblage en 1 ou 2 coups à un rythme de 600 à 700 greffes par heure. 5% des greffés-soudés sont produits par greffe à l’anglaise qui permet de mettre de mettre les 2 cambiums en continuité et d’avoir une bonne surface de contact (coupe oblique). Ce type de greffage est réalisé en 2 fois (coupes, assemblages à la main) à une cadence de 300 à 500 greffes par heure. après greffage, le point de greffe est paraffiné, à l’aide d’une cire, afin d’assurer la rigidité physique de l’assemblage et le protéger du dessèchement.Les cires hormonées, bien que plus coûteuses, sont les plus utilisées car elles offrent un meilleur taux de reprise.

Machine à greffer, greffe oméga et opérations de paraffinage chez les pépinières Daydé à Montans (81)

En quoi consiste la stratification ?

La stratification est l’étape de l’élaboration des plants de vigne au cours de laquelle va se produire la callogénèse avec émission d’un tissu cicatriciel (cal) issu de la prolifération du cambium et des cellules internes du phloème. Le cal se forme aux sections du greffon et du porte-greffe, mis en continuité au cours de l’étape de greffage. La « soudure » est plus efficace si le contact est bon (diamètres identiques, coupes obliques). Il n’y a pas de modification ou d’interpénétration des deux génomes, mais plutôt création d’une « chimère » artificielle (relation de type trophique entre les deux individus). Selon le type de stratification, les greffes-bouture sont placées soit dans des grands bacs étanches (stratification à l’eau avec du sulfate de cuivre), soit dans des caisses perforées (plastique ou bois) avec de la sciure humide (stratification traditionnelle). Les plants sont mis en chambre chaude chaude (28 °) et humides à l’obscurité. Un voile perméable est placé sur les greffes et recouvert de substrat. La callogénèse dure de 10 à 25 jours, jusqu’à l’obtention d’un cordon de cal blanc, homogène et régulier et l’émission des premières radicelles, ces dernières sont très dépendantes du porte-greffe. A ce stade de l’élaboration la surveillance doit être quotidienne car il existe un fort risque de développement de Botrytis sur les bourgeons qui démarrent. Un traitement anti-botrytis est souvent nécessaire. A la fin de la stratification, on réalise un dégarnissage (verdissement des pousses), on sort les plants de la chambre chaude, on décaisse, on effectue un premier tri avant de reparaffiner les plants pour protéger les cals à l’aide d’une cire non hormonée.

Stratification avec de la sciure et reparaffinage des plants chez les pépinières Daydé à Montans (81)

Comment s’effectue la reprise des plants ?

A ce stade de l’élaboration d’un plants de vigne, il est nécessaire de distinguer les plants traditionnels et les plants en pot. Les plants en pot ont l’avantage de possèder un taux de reprise supérieure, de permettre une production dans l’année et d’assurer une meilleure sécurité sanitaire. L’utilisation de plants en pot engendrent davantage de manutention, de transport (cagettes de 60 plants) et nécessite un important espace de stockage. En zone chaude, il est préférable d’acclimater les plants et de réaliser des arrosages après plantation. On observe parfois sur des soudures non aoûtée des phénomène de casse due au vent impossibles à tester.

  • plants traditionnels : les greffes-boutures sont mis en pépinière de plein champ d’avril à fin mai sur des buttes avec paillage plastique troué à une densité de 200 à 300 000 plants par hectare. Etant donné qu’il n’existe plus de spécialités autorisées pour désinfecter les sols (aldicarbe, fumigants ), des repos du sol de 4 ans derrière une pépinière de vigne et de 12 ans derrière une vigne classique doivent être respectés. La plantation s’effectue sur une terre très meuble et aérée avec fumure de fond et apports réguliers de potassium, d’azote et de phoshore. L’irrigation est indispensable. Des rognages et de nNombreux traitements antifongiques (jeune végétation vigoureuse, très sensible) et insecticides obligatoires (flavescence dorée) sont réalisés. L’arrachage intervient en fin de cycle (novembre à janvier) et est réalisé à la machine (lames vibrantes). Les plants sont ensuite triés et taillé à 2 yeux avant d’être reparaffiner, mis en sacs, en caisses puis en cartons en bottes de 25 à 200 unités et étiqueté. Les plants sont conservés dans une chambre froide (3°C) et humide avant d’être expédiés chez le client.
  • plants en pot : les greffes-boutures sont placés dans des pots dégradables en cellulose, remplis de terreau ou de compost. Ils sont mis en serres à température régulée, arrosés et écimés soigneusement. De nombreux traitements antifongiques sont nécessaires. Un premier tri sur la taille des plants est réalisé dès qu’une partie des plants est développée. Un plant en pot est considéré comme marchand quand il possède une pousse vigoureuse et de nombreuses racines

Le coût d’un plant de vigne, traditionnel ou en pot, varie de 1,00 à 1,20 € HT.

Plants traditionnels et en pots et arrosage automatisé chez les pépinières Daydé à Montans (81)
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