L’HYGIÈNE EN ŒNOLOGIE : GENERALITES
L’objectif de l’hygiène en œnologie est de prévenir les accidents microbiologiques et physico-chimiques entraînant une baisse de la qualité des vins et des préjudices commerciaux.
Pourquoi l’hygiène en oenologie ?
L’hygiène en oenologie se distingue de celle appliquée dans la plupart des industries agroalimentaires car le vin, du fait de sa composition (pH bas et teneur en alcool élevée), est un milieu hostile pour les germes pathogènes susceptibles de déclencher des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) comme les bactéries des genres Listeria ou Salmonella. Le risque le plus important en oenologie, associé à un manque d’hygiène, concerne l’altération du produit et de ses qualités organoleptiques (fleur, altérations liées aux bactéries lactiques, piqûre acétique, Brettanomyces). L’hygiène peut être symbolisée sous le terme « 3P » :
- propreté physique : rinçage et élimination des souillures (lies, vin, tartre…)
- propreté chimique : rinçage et élimination des produits de nettoyage et de désinfection
- propreté microbiologique : désinfecter pour éliminer les micro-organismes (bactéries, levures, moisissures)
Quelle est la nature des souillures rencontrées en oenologie ?
Les souillures provenant du moût ou du vin peuvent être de nature cristalline (précipitation de bitartrate de potassium) ou organique. Ces dernières sont constituées des matières colorantes et tanniques, des protéines, des acides organiques, des glucides et des micro-organismes morts ou vivants (levures, moisissures ou bactéries). D’autres souillures, étrangères aux moûts ou aux vins, peuvent également être rencontrées : terre, graisses ou huiles, résidus de produits de nettoyage ou de désinfection.
Quels sont les matériaux utilisés en oenologie ?
Les matériaux utilisés en œnologie se caractérisent notamment par leur diversité de surface (lisse ou rugueuse) :
- béton : omniprésent dans le chai (sol, murs, caniveaux et cuves), le béton se caractérise par son caractère rugueux qui contribue à une forte adhésion du tartre et des micro-organismes. Le béton peut contribuer à l’enrichissement du vin en fer, calcium. La plupart du temps, il est revêtu ou affranchi
- polyester : matériau plastique de faible poids, il est plus facilement nettoyable que le ciment. Sa structure fibreuse peut retenir germes et favoriser la formation de dépôts de tartre. Le polyester peut se déformer au delà de 50°C
polyéthylène : autre matériaux plastique perméable au gaz, il est surtout utilisé pour le stockage de très courte durée des vins ou des lies. Nettoyage et détartrage facilités - verre : matériau idéal par sa grande dureté, son inertie chimique et son caractère lisse, il était autrefois utilisé pour le revêtement des cuves de stockage . Concernant les bouteilles, le verre reste le matériau principal, auquel il est possible d’appliquer pour le rinçage, des niveaux d’hygiène très poussés
- liège : complément de la bouteille, il est une source de souillure non négligeable puisque son état caverneux est susceptible de retenir les micro-organismes. Le liège doit être conservé dans une atmosphère pauvre en germes, sèche et ventilée, à l’abri de toute odeur susceptible d’être fixée
- acier revêtu : du fait du risque de relargage de fer pouvant provoquer une casse ferrique, l’acier (alliage fer-carbone contenant moins de 2% de carbone) est obligatoirement revêtu d’une résine époxydique. Ce revêtement permet d’obtenir un niveau d’hygiène poussé (détartrage facilité à l’eau tiède).
- caoutchoucs, matières plastiques, polymères : les pièces en caoutchouc sont présentes sur de nombreux matériels (joints, rotor de pompe, filtre). Ils fixent facilement les souillures et ne supportent pas les produits alcalins, principaux constituants des produits de nettoyage et de désinfection
- bois : rugueux, poreux, élastique, absorbant, le bois, utilisé essentiellement aujourd’hui pour l’élevage des vins (barriques, copeaux) présente un état de surface idéal au développement des micro-organismes . Les produits de désinfection sont peu nombreux et leur efficacité limitée. De nombreuses sociétés proposent des prestations de remise en état
- acier inoxydable : Ce sont des aciers auxquels on a ajouté des éléments d’alliage, essentiellement du chrome qui, au-delà de 12 à 13 % en solution dans la matrice, produit la résistance souhaitée à l’oxydation. D’autres éléments peuvent être intégrés, notamment le nickel, le molybdène ou le titane pour améliorer les propriétés mécaniques ou la stabilité de l’alliage. Sa neutralité (chimique, bactériologique et organoleptique), son inaltérabilité et son aptitude au nettoyage et la désinfection en font le matériau de choix pour les cuveries. Les principaux milieux à risque pour les acier inoxydables sont les milieux acides non chlorurés et les milieux neutres chlorurés
Quels sont les avantages et les inconvénients de ces matériaux ?
Propriétés | Matériaux | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Inox | Acier revêtu | Béton affranchi | Béton revêtu époxy | Verre | Polyester stratifié | Polyester centrifugé | Bois | |
Qualité du matériau | +++ | (++) | + | (++) | (++) | + | ++ | (++) |
Innocuité par rapport au vin | +++ | (+) | (+) | (+) | (++) | (+) | (++) | (+++) |
Inertie thermique | + | + | +++ | +++ | +++ | + | ++ | ++ |
Résistance à la dégradation | +++ | ++ | (+) | (++) | (++) | (++) | ++ | ++ |
Porosité à l'air | 0 | 0 | + | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 |
Valeur de revente | ++ | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 |
Risque de dégradation physique | 0 | ++ | ++ | ++ | + | ++ | + | ++ |
Risque de dégradation chimique | 0 | (+) | (+) | (+) | (0) | (+) | + | 0 |
Risque de dégradation microbiologique | 0 | 0 | ++ | 0 | 0 | 0 | 0 | ++ |
Facilité de nettoyage | +++ | +++ | 0 | +++ | ++ | +++ | +++ | + |
Facilité de contrôle du nettoyage | +++ | +++ | + | + | ++ | +++ | +++ | + |
+++ Important
++ Moyen
+ Faible
0 Nul
Les parenthèses soulignent que la propriété considérée dépend de l’altération du matériau, de vices de fabrication ou de l’état d’entretien. Ainsi, le bois est en principe d’une totale innocuité par rapport au vin, mais il est peut être à l’origine d’une altération s’il est mal entretenu. Source : J.M Maron, J.M Jacol, Chambre d’Agriculture de la Gironde
Quels sont les points clés de la nettoyabilité des matériels ?
La nettoyabilité d’un matériel, d’une machine ou d’un contenant est son aptitude à être débarrassée des souillures. Les points clés de la nettoyabililité sont :
- la qualité de l’état de surface. Les surfaces lisses limitent l’accrochage des souillures. Dans le cas des aciers inoxydables, la nettoyabilité dépend du type de finition (polissage mécanique ou électrolytique), de la qualité des soudures et de leurs finitions
- la configuration géométrique des équipements : absence de points bas, points morts et d’angles vifs afin de permettre une vidange totale
- l’accessibilité aux surfaces à nettoyer. Les pièces des matériels doivent être facilement démontables. Pour les surfaces non accessibles, comme l’intérieur des canalisations, l’action mécanique doit être apportée soit par un fort débit ou une pression élevée
Comment mettre en oeuvre le nettoyage et la désinfection ?
La mise en œuvre d’un détergent et d’un désinfectant repose sur 7 étapes :
- les étapes préparatoires qui consistent à préparer les surfaces et matériels en les démontant et en ôtant tout ce qui peut gêner la praticabilité
- le prélavage qui consiste à éliminer, à l’eau froide ou chaude, basse ou moyenne pression, les souillures visibles peu adhérentes pour augmenter l’efficacité du nettoyage
- le nettoyage qui permet avec un détergent et une action mécanique de décoller et de mettre en suspension les souillures. Celui-ci peut être réalisé par aspersion, trempage, lavette, éponge, par balai ou à l’aide d’un canon à mousse avec action mécanique (brossage). La température ne doit pas excéder 45°C
- le rinçage à l’eau claire pour éliminer les souillures et le produit nettoyant
- la désinfection qui permet d’éliminer les pathogènes. Le traitement peut être chimique ou physique (thermique, UV…)
- le rinçage final qui permet d’éliminer les résidus de désinfectant
- les étapes finales qui comprennent égouttage, séchage et rangement du matériel
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Jean-Michel Desseigne
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