Le développement de la baie de raisin

27 Sep 2024

Par Alain Deloire, professeur retraité de l'Institut Agro-Montpellier

La baie (de raisin) est le fruit de la vigne ; la grappe porte des dizaines de baies, le nombre de baies par grappe varie suivant les cépages x climat (génotype x environnement).

NON, La baie n’est pas un ballon qui se remplie au grès des saisons depuis la nouaison (post floraison) jusqu’à la vendange !

Il est observé sur une population de baies deux stades majeurs de développement :

Stade de croissance herbacée du fruit

  • Depuis la nouaison (= stade qui se situe post floraison-fécondation) jusqu’au début de la véraison (= ramollissement de la baie et début de l’entrée des sucres), l’augmentation du volume de la baie est dû principalement à du grandissement cellulaire, qui dépend du nombre de cellules du péricarpe x état hydrique et azotée de la vigne x nombre de pépins par baie x hormones de croissance.  La multiplication cellulaire des cellules de l’ovaire (qui va former la future baie) a lieu post fécondation de l’un ou plusieurs des ovules (= 4 ovules maximum par baie) et dure 8 à 12 jours.

Stade de maturation du fruit

  • La maturation de la baie se fait depuis le début du ramollissement du fruit jusqu’à la vendange.  La maturation est divisée en deux sous étapes : avant et après le plateau du chargement en sucres des baies (Antalick et al., 2021). La composition de la baie (= qualité du fruit) se met en place depuis la nouaison jusqu’à la vendange. Les critères de choix de la date de vendange ne seront pas traités ici (rappelons simplement qu’il n’y a pas de relation directe entre les trois maturités : technologiques, phénoliques et aromatiques ; le choix de la date de vendange est donc un compromis).
Figure 1 : les principales étapes du développement de la baie qui est le fruit de la vigne

La phase de croissance herbacée est cruciale pour la composition du fruit. En effet à cette étape a lieu la biosynthèse des tannins, des acides organiques, de certaines familles d’arômes (caroténoïdes, pyrazines…).  Tous stresses climatiques et physiologiques vont perturber ces biosynthèse et compromettre la qualité des baies et des vins qui en résultent.

Depuis le début de la véraison et jusqu’à la vendange, tous stresses climatiques et physiologiques vont perturber la dynamique de maturation des baies (accumulation des sucres, des anthocyanes, de certains précurseurs aromatiques ; modifications de la structure des tannins), ce qui peut résulter en des vins aux tannins asséchants et des vins astringents.

Donc ici l’on comprend bien que la baie va accumuler des composés venant de la vigne (eau, sucres, éléments minéraux, azote…) et va aussi être capables de fabriquer d’autres composés (acides organiques, tannins, pyrazines, précurseurs d’arômes…).

Figure 2 : L’élaboration de la composition des baies se fait en deux étapes : pré et post véraison

En ce qui concerne les relations vigne-raisin, il y a donc une régulation via la vigne (feuilles = photosynthèse = biosynthèse de sucres ; racines = éléments minéraux, hormones, eau…) et une régulation propre aux fruits. Par exemple pour l’accumulation d’eau il y a intervention d’aquaporines = protéines qui forment des canaux dans la membrane cellulaire (Picaud et al., 2003)

Les échanges entre tube criblés et organes sources ou organes puits peuvent s’effectuer suivant deux voies :

  • Apoplastique : C’est la voie dominante, tout du moins après véraison (Afoufa- Bastien et al 2010 ; Lalonde et al. 2003). Les assimilats passent d’une cellule à l’autre de manière indirecte, en traversant les membranes plasmiques et en circulant dans l’apoplasme. Plusieurs types de transporteurs permettent alors le passage des sucres à travers les membranes plasmiques, suivant leur gradient de concentration, où à l’encontre de ce même gradient, au prix d’un coût énergétique du transport.
  • Symplastique : les plasmodesmes, qui autorisent la continuité cytoplasmique entre les faisceaux conducteurs du phloème et les cellules puits, permettent le transfert de la solution phloémienne suivant un flux de masse (Lalonde et al. 2003).

La physiologie de la vigne (état hydrique du cep…), les facteurs du macroclimat (pluie, température, rayonnement, vent), le microclimat des grappes (exposition des baies) et le rapport surface foliaire / rendement par cep (Surface Foliaire Exposée/Kg de raisin) sont des facteurs importants du développement et de la composition des baies.  A ce titre, les stresses climatiques et physiologiques vont modifier le développement et la composition des baies et partant la composition des vins et leurs profils aromatiques (Carbonneau et al., 2020 ; Van Leeuwen C. & Seguin G. 1994).

 

Pour en savoir plus :

Afoufa-Bastien D, Medici A, Jeauffre J, Coutos-Thévenot P, Lemoine R, Atanassova R, Laloi M., 2010. The Vitis vinifera sugar transporter gene family: phylogenetic overview and macroarray expression profiling. BMC Plant Biology 10, 245-245.
Antalick G., Šuklje K., Blackman J.W., Schmidtke L.M.  and Deloire A., 2021. Performing sequential harvests based on berry sugar accumulation (mg/berry) to obtain specific wine sensory profiles, OENO One, 2, 131-146 ; DOI:10.20870/oeno-one.2021.55.2.4527).
Carbonneau A., Torregrosa L., Deloire A., Pellegrino A., Pantin F., Romieu C., Ojeda H., Jaillard B., Métay A., Abbal P., 2020. Traité de la Vigne, Physiologie-Terroir-Culture, Dunod Editeur,  Paris, France, ISBN 978-2-10-079857-5, 689 p.
Lalonde S, Tegeder M, Throne-Holst M, Frommer WB, Patrick JW., 2003. Phloem loading and unloading of sugars and amino acids. Plant, Cell & Environment 26, 37-56.
Picaud S., Becq F., Dédaldéchamp F., Ageorges A., Delrot S., 2003.  Cloning and expression of two plasma membrane aquaporins expressed during the ripening of grape berry, Functional Plant Biology, DOI : 10.1071/FP02116 .
Van Leeuwen C. & Seguin G. 1994. Incidences de l’alimentation en eau de la vigne, appréciée par l’état hydrique du feuillage, sur le développement de l’appareil végétatif et la maturation du raisin (Vitis vinifera variété Cabernet franc, Saint-Emilion, 1990). J. Int. Sci. Vigne Vin, 28, (2), 81-110.