L’AZOTE EN ŒNOLOGIE

Les micro-organismes œnologiques doivent au cours de leur croissance synthétiser toutes les protéines qui lui sont nécessaires. Pour cela, ils puisent les acides aminés disponibles dans le moût, ou sont capables de synthétiser ces acides aminés à partir des sources d’azote présentes dans le milieu.

Pourquoi parle-t-on aujourd’hui de plus en plus d’azote dans les moûts ?

Le moût est relativement riche en constituants azotés. La teneur du raisin en azote, quant à elle, varie énormément selon le cépage, le porte-greffe et les conditions de culture. La tendance actuelle va vers une meilleure gestion des rendements, et donc vers une maîtrise de la vigueur de la vigne. Cette maîtrise de la vigueur passe par une fertilisation raisonnée, et quelquefois par l’implantation d’un enherbement. Ces pratiques, parfois nécessaires dans une optique qualitative, peuvent contribuer à appauvrir les moûts en azote qui peuvent rapidement se trouver carencés. Les teneurs en azote dans les moûts diminuent également dans le cas de surmaturation, et dans les situations de sécheresse. Le changement climatique actuel est un autre phénomène qui contribue à la diminution de l’azote dans les moûts.

Quelles sont les substances azotées naturellement présentes dans le moût ?

Le moût contient des teneurs variables d’azote total (0,1 à 1 g/L). On compte dans cet azote total :

  • 3 à 10 % d’azote ammoniacal
  • 20 à 30 % d’acides aminés
  • des peptides (petits enchaînements d’acides aminés)
  • des protéines

Quelles sont les substances azotées indispensables pour les levures et les bactéries ?

Seuls les ions ammonium, les acides aminés et certains peptides de faible poids moléculaire, peuvent être incorporés dans la cellule de la levure et y être métabolisés. La proline (acide aminé) constitue un cas particulier puisqu’elle n’est pas ou partiellement absorbée. Ces composés constituent ce que l’on nomme l’Azote Assimilable ou l’Azote Facilement Assimilable. L’ion ammonium est le composé qui entre le plus rapidement dans la cellule. Cependant, il est de forme chimique simple et la levure devra utiliser plus d’énergie qu’en utilisant des acides aminés, afin de synthétiser ses protéines. Les bactéries ont par contre des besoins plus importants en acides aminés. C’est pour cela que les activateurs de fermentation malolactique contiennent sont riches en ces composés.

A partir de quand peut-on considérer qu’un moût est carencé en azote ?

On peut considérer que le niveau de carence d’un moût se situe à 140 mg/L d’azote assimilable, dont 50 mg/L doivent se trouver sur sa forme ammoniacale. Plusieurs facteurs influent également sur les besoins en azote d’une fermentation dont :

  • la richesse en sucre du moût
  • la souche de levure
  • la température, les besoins en azote étant moindre à basse température

Quels sont alors les risques ?

  • l’apparition de goût de réduction : la levure ne possède pas les substrats azotés pour réduire le soufre en acides aminés souffrés (méthionine, cystéine), et peut produire de l’H2S, composé à l’odeur rappelant les œufs pourris. Un moût n’ayant pas subi de carence en azote au cours de sa fermentation alcoolique aura moins tendance à réduire pendant son élevage
  • quand la levure manque d’azote, elle va synthétiser plus d’alcools supérieurs, responsables d’arômes lourds. Réciproquement, lorsqu’elle dispose en qualité suffisante d’azote, elle synthétise plus d’esters
  • un arrêt de fermentation

Comment évaluer le niveau d’azote assimilable dans son moût ?

La technique la plus fiable utilisée était la mesure de l’indice de formol. Il s’agissait d’une méthode pHmétrique assez lourde aujourd’hui interdite du fait de la toxicité des réactifs utilisés. La plupart des laboratoires utilise des mesures par IRTF (Infra-rouge à Transformée de Fourrier). Ces valeurs ne sont pas toujours justes et ne peuvent être utilisées comme valeur absolue. Elles peuvent servir à comparer deux parcelles par exemple. Il existe également des méthodes enzymatiques pour calculer les teneurs en acides aminés et en ions ammonium.

Quels sont les produits disponibles et à quels prix ?

On peut utiliser des activateurs de fermentation contenant des substrats azotés disponibles pour les levures comme le sulfate d’ammonium (environ 25 % d’ammonium selon la pureté), le phosphate d’ammonium (environ 25 % d’ammonium selon la pureté) et des mélanges incluant activateurs de fermentation (azote assimilable + vitamine) et levures inertées. Voici quelques coûts issus de la version 2015 du Coûts des fournitures en viticulture et en oenologie :

ProduitCompositionDose/hlConditionnement (kg)Prix € HT/kg
Sulfate d'ammoniaque Sel d'ammonium20 à 50 g11.40 - 2.29
Phosphate d'ammoniaque10 g2.50 - 4.00
Mélanges complexesViamine B1 + sel d'ammonium10 à 50 g2.60 - 3.70
Spécialités à base de levures inertées et d'activateurs de fermentation20 à 40 g10 - 25
MalostartActivateur de bactérie20 g0.525.20
Fermoplus malolactique40 g530

Quels sont les risques en cas d’addition excessive d’azote ammoniacal ?

Des chercheurs australiens ont montré que, lorsque la teneur en azote assimilable augmente, la levure synthétise plus d’acétate. A la dose maximale de 100 g/hL, l’acétate d’éthyle à odeur de vernis prend le dessus. Il est préférable de limiter les apports de sels ammoniacaux. Les sels d’ammonium ne servent pas de substrat aux bactéries lactiques qui préfèrent les formes aminées. La présence de NH4+ résiduel après la fin de la fermentation peut contribuer au développement de levures de contamination comme Brettanomyces. Une étude menée par l’IFV a montré qu’un apport précoce d’ions ammonium en début de fermentation alcoolique pouvait pénaliser les teneurs des vins finis en thiols variétaux via le phénomène dit de répression catabolique.

Quelle réglementation pour les additions de substance azotée ?

La réglementation européenne limite l’emploi des substances azotées, sulfate et phosphate d’ammonium, à la dose maximale de 100 g/hL (cumulée avec d’autres sels d’ammonium). Ses produits ne sont pas autorisés par le réglement bio européen.

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