L’ENRICHISSEMENT DES MOÛTS A L’AIDE DE TECHNIQUES ADDITIVES

L’enrichissement est une pratique permettant d’accroître le degré alcoométrique du vin. Il vise à pallier une déficience pouvant être liée à de mauvaises conditions météorologiques ou à un niveau de rendements incompatible avec l’obtention d’un titre alcoolémique suffisant.

Quelle est la réglementation en vigueur concernant l’enrichissement des moûts ?

La réglementation concernant l’enrichissement des moûts est régie par le Règlement (CE) N° 479/2008 :

ZONES VITICOLES EUROPEENNES
A
B
CI
CII
CIII
a
b
Limites de l'enrichissement du degré alcoolique (en %)
Années normales
+3,0+2,0+1,5+1,5+1,5+1,5
Années exceptionnelles
+3,5+2,5+2,0+2,0+2,0+2,0
Augmentation autorisée du volume pour les MC et MCR (en %)+11+8+6.5+6.5+6.5+6.5
Titre alcoométrique total maximum11,51212,51313,513,5
Peut être adapté en fonction des AOC

A : l’Allemagne (sauf Baden), le Luxembourg, la Belgique, le Danemark, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède, le Royaume-Uni, le vignoble de Čechy en République tchèque
B : Baden en Allemagne, l’Alsace, la Lorraine, la Champagne, le Jura, la Savoie, le Val de Loire en France, l’Autriche, la République tchèque (sauf Čechy), la Slovaquie (sauf Tokajská vinohradnícka oblast), la Slovénie (sauf Brda, Goriška Brda, Vipavska dolina, Kras et Slovenska Istra) et Podisul Transilvaniei en Roumanie
CI : la Hongrie, en France, les superficies des départements 01, 04, 05, 06,09, 15, 16, 17, 19, 21, 24, 31, 32, 33, 38, 40, 42, 43, 46, 47, 48, 58, 63, 64, 65, 69, 71, 81, 82, 87, 89, le Val d’Aoste en Italie, le Nord-Est de l’Espagne; au Portugal, l’aire du «Vinho Verde», en Slovaquie, Tokajská vinohradnícka oblast, en Roumanie, les vignobles n’apprtenant pas aux zones B et CII
CII : en France, le pourtour méditerranéen, quelques zones viticoles de Slovénie, de Bulgarie, et de Roumanie
CIII a) : en Grèce, les nomoi ainsi que l’île de Thira; à Chypre, les zones situées à plus de 600 mètres d’altitude et quelques vignobles bulgares
CIII b) : en France, la Corse, quelques zones du Var et des Pyrénées-Orientales, le Sud de l’Italie, la Grèce, le Sud de l’Espagne et du Portugal, et le reste de Chypre

Quels sont les produits autorisés pour l’enrichissement des moûts ?

Le saccharose : l’opération de sucrage ou de chaptalisation, bien connue depuis le 18ème siècle, consiste à ajouter au moût du saccharose raffiné blanc d’origine non spécifié (canne à sucre, betterave…). Le saccharose n’est pas directement fermentescible et la molécule devra être hydrolysée par voie chimique ou enzymatique en une molécule de glucose et de fructose.L’addition d’un kilogramme de sucre augmente le volume d’environ 0,63 litres (masse volumique = 1586 g/l). Sa solubilité dans l’eau à 20°C est de 667 g/l. La chaptalisation est autorisée dans les zones viticoles A, B et C à l’exception faite des vignobles situés en Italie, en Grèce, en Espagne, au Portugal, à Chypre et dans les départements français relevant des cours d’appel d’Aix-en-Provence, de Nîmes, de Montpellier, de Toulouse, d’Agen, de Pau, de Bordeaux et de Bastia.Toutefois, l’enrichissement par sucrage à sec peut être autorisé par les autorités nationales à titre exceptionnel.

Le MCR ou moût concentré rectifié est un sirop de sucres de raisin inodore et incolore obtenu en géneral après concentration sous vide du moût. Sa concentration en sucre est de l’ordre de 850 g/l (50% fructose / 50% glucose). Selon la réglementation européenne, il doit être élaboré par déshydratation partielle à l’aide d’une méthode autre que le feu direct et doit posséder une teneur en sucre supérieure ou égale à 820 g/l. La correction du moût qui consiste à éliminer les composés autres que le sucre (acides, polyphénols, arômes…) est réalisé à l’aide des résines échangeuses d’ions. N’étant pas cristallisé comme le saccharose, sa stabilité dans le temps dépend des conditions de préparation et de stockage. L’utilisation de MCR entraîne en moyenne une augmentation de volume de l’ordre de 3 à 6%.

Le MC ou moût concentré, obtenu le plus souvent par chauffage indirect, est concentré en tous éléments organiques et minéraux. Il possède ainsi un pH bas souvent inférieur à 3.0 et ce malgré la précipitation d’une partie de l’acide tartrique sous forme de sels. Sa teneur en sucre doit être au minimum de 582 g/l. Très peu utilisé en oenologie, il modifie fortement la composition des vins (glycérol, extrait secn composition phénolique…).

Comment calculer les quantités de saccharose ou de MCR nécessaires ?

D’un point de vue légal, l’augmentation de 1% du volume d’alcool nécessite un enrichissement à hauteur de 16.83 g de sucre par litre. Dans la pratique des rendements de l’ordre de 16.5 en vinification en blanc et de 17.5 g sucre/l en rouge sont observés. L’IFV Sud-Ouest a mis en ligne un outil de calcul permettant d’approcher la quantité de saccharose ou de MCR à ajouter pour atteindre un degré acquis souhaité en vinification en blanc/rosé et en rouge. Les calculs réalisés prennent en compte les augmentations de volume liées à l’enrichissement et l’hydrolyse de 342 g de saccharose (1 mole) en 360 g de sucre (1 mole de glucose et de fructose).

Comment mettre en œuvre l’enrichissement à l’aide des techniques additives ?

Le MCR ou MC est en général incorporé au moût à l’aide d’une pompe avant le déclenchement de la fermentation alcoolique. Ce pompage est ensuite suivi d’un remontage d’homogénisation avant d’être incorporé à la cuve, le saccharose doit par contre être préalablement dissous dans le moût. S’il est facile de réaliser cette opération pour des cuves de capacité inférieure à 50 hl en utilisant des comportes de 50 à 100 litres, la manipulation exige du matériel spécifique pour des volumes supérieurs. A titre d’exemple, environ 350 kg de sucre seront nécessaires pour augmenter de 1% le volume d’alcool d’une cuve de 250 hl. Il existe sur le marché des chaptaliseurs ou fondoir (Champagne) composés d’un bac de 1 à 5 hl en général équipé d’un agitateur. A titre informatif, afin de dissoudre 50 kg de sucre, il sera nécessaire de le brasser avec au minimum 1 hl de moût pendant une heure. La dissolution sera d’autant plus facilitée que le moût sera chaud comme c’est le cas dans la vinification en rouge. Le brassage étant susceptible d’apporter des quantités non négligeables d’oxygène au moût, il est préférable de coupler la chaptalisation, dans le cas de la vinification en blanc, à d’autres opérations (aération, ajout d’activateurs de fermentation) réalisées en général à la fin du premier tiers de FA. Dans le cas de la vinification en rouge, la chaptalisation pourra être fractionnée (2 à 4 fois avant le dernier tiers de FA) et réalisée au cours d’un remontage avec aération. Il est également envisageable de préparer dans du vin préferentiellement ou dans du moût des liqueurs à partir de sucre cristallisé. C’est la pratique la plus utilisée par les vignerons champenois qui utilisent, en règle générale, une liqueur titrant à 500 g/l. La répression des fraudes n’est pas très favorable à cette pratique.

Quel est le coût du saccharose et du MCR ?

Le coût du saccharose varie de 0,86 à 1,85 €/kg soit de 2,15 à 3,98 €/hl pour une augmentation de 1,5% au taux de conversion de 16,83 g/l dans les mêmes conditions, le coût d’utilisation de moût concentré est 2 à 3 fois supérieur à celui du saccharose, celui d’un MCR jusqu’à 4 fois plus élevé. Le recours au MC ou au MCR faisait l’objet d’importantes aides financières (FranceAgrimer). Ces aides sont supprimées depuis les vendanges 2012.

Quelles sont les techniques de contrôle de l’enrichissement ?

Des méthodes isotopiques, très onéreuses, permettent de différencier le sucre et l’éthanol formé, en fonction de leur origine botanique (raisin, betterave ou canne à sucre). La technique repose sur l’analyse des isotopes d’hydrogène (1H et 2H) des 6 atomes de la molécule d’éthanol qui dépendent de l’origine du sucre qui est intervenu dans la fermentation alcoolique. La proportion de ces différents isotopes, déterminée par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN), dépend de l’origine du raisin. La comparaison avec des vins témoins, issus du même millésime et de la même zone géographique, permet de conclure à l’intervention ou non de sucre de betterave.

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